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Dior Homme ou le charme discret de l'ambiguïté

L'espace de vente a eu un rôle clé dans l'opération de renouveau de la marque sous la direction d'Hedi Slimane depuis 2001 : au delà des collections, il s'agissait de créer tout un univers. D'où l'importance de la question identitaire et de tous ces supports qui pouvaient la véhiculer. La boutique devenait donc un support de communication, voire une vraie "machine de sens" pour la marque.

La première boutique Dior Homme à Milan illustrait bien l'approche minimaliste imposée par Slimane. Pourtant cet espace ne puise pas aux sources du minimalisme historique des années 60 caractérisé par la pauvreté radicale des matériaux. Elle ne cherche pas non plus ses moyens dans le minimalisme "à la japonaise" popularisé entre autre par John Pawson (boutiques Calvin Klein ) pour qui l'enjeu était de travailler le design par "soustraction", jusqu'à la limite du "stricte nécessaire" pour que la notion de "luxe" reste perceptible. Le délaissement du visiteur réalisé par l'absence totale de décoration et de distractions était une manière de le laisser en présence de lui-même, de l'espace brut et finalement des produits présentés.

Au contraire, Slimane choisit un "minimalisme contemporain" marqué par une générosité d'espace, de matières et d'expériences immatérielles. Pas un langage "brand oriented": juste une présence discrète du logo, les codes-couleur reprenant ceux des campagnes (confiées au talent de Richard Avedon) et de l'identité visuelle. Pas de véritable "narration" ou "mythologie" de la marque, vu que les images publicitaires, les représentations du client idéal... Ont aussi été limitées au minimum. La boutique fait plutôt penser au "white cube" utilisé dans les espaces d'art depuis les années 20 du siècle dernier jusqu'à la vague récente de musées spectaculaires signés par les "archi-stars" dans le monde entier. Tout comme dans une galerie d'art, chez Dior Homme l'essentialité du contenant laisse parler le contenu. La structure architecturale simple, la circulation libre et les produits isolés et autonomes. Présentés par séries et rarement soumis à des suggestions de compositions particulières, ils ne composent pas de "phrases" mais restent comme des mots isolés. Mots sacralisés cependant, par un emplacement qui multiplie les points, offre une vision rapprochée et "hyper-réaliste" des collections et par l'éclairage de type muséal communique interdit clairement le contact direct.

Et pourtant, on dirait que dans ces boutiques "il se passe toujours quelque chose". La dramatisation du produit-sculpture n'y est pas pour rien, bien sûr, mais ce je ne sais quoi est lié plus encore à l'expérience immatérielle de l'espace. D'un côté celle de la sollicitation viscérale des sens qui déclenche chez l'utilisateur une réponse immédiate et inconsciente du type bien/pas bien, agréable/désagréable, j'aime/j'aime pas. En ce cas, c'est l'abondante utilisation du rétro-éclairage associé à la couleur blanche et le contraste avec les surfaces noires ou miroitantes qui fait tout. D'un autre côté, c'est l'ambigüité de l'espace même, son design"réflexif", non évident et difficile à "lire" sans un investissement particulier qui active le déclic expérientiel. L'ambigüité est due entre autres à la neutralité des éléments architecturaux et de mobilier. Si - comme Roland Barthes dans son Empire des Signes - nous retournons de bas en haut la photo de la boutique de Ginza à Tokyo, on verra que presque rien ne change dans son apparence, alors que notre capacité de compréhension de l'espace est mise en question par ses lignes et volumes abstraits.

Mais l'apport décisif à l'expérience dans les boutiques Dior Homme est donné par leur dimension artistique. Voulue par Slimane même, elle se poursuit et s'accroit depuis l'arrivée de Kris Van Assche à la direction artistique. Non seulement il entretient lui-même une pratique de plasticien pour laquelle il est représenté par la Galerie Analix Forever de Barbara Polla à Genève. Mais il fait aussi intervenir des artistes comme Andrea Mastrovito dans les espaces de la marque - comme dans la boutique de la rue Royale à Paris - pour en enrichir leur potentiel de signification.

Les boutiques se retrouvent ainsi transformées par l'art : leur intéressante ambigüité est mise en valeur, on y voit des allusions à d'autres formes d'expression que le design ou l'architecture et la nature artistique des collections est ramenée à la conscience du visiteur. Celui-ci voit aussi son rôle évoluer : de client il devient acteur d'un jeu de suggestions dont l'effet est purement expérientiel. Expérience discrète, bien sûr, entre les petits "rebus esthétiques" lancés par l'environnement et la disposition du visiteur à les relever. Mais c'est justement l'architecture délicate de cet équilibre qui sustente la valeur ajoutée créative dont la mode se nourrit.

Luca Marchetti

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