
Accumulations de gestes couture maximalistes chez Comme des Garçons
Il y a toujours une façon particulière de parler d'un show Comme des Garçons. Quand Rei Kawakubo s'attaque à un sujet, elle n'en déroge pas et poursuit son idée de mode sans distraction ni dispersion jusqu'à son terme. En même temps que le récit se déroule de façon très linéaire tout en s'intensifiant vers le final, vient le moment de la réflexion. Pourquoi a-t-elle choisi ce thème là, aujourd'hui et maintenant ? Puis, comment cette proposition se raccorde aux démonstrations précédentes ?
Quelque chose m'a frappée depuis les robes dessins de l'avant dernière saison, tellement remarquables par leur épure et leur gigantisme, les tenues d'aujourd'hui -quasiment chaque modèle se résumant à un costume pantalon- nécessiteraient tout autant de métrage de tissus mais cette fois, c'est comme-ci toute l'étoffe se trouvait aspirée par son décor : sculptures de roses, accumulations de pétales rectangulaires, de faveurs, de noeuds, de boursouflures amibiennes, de manches gigot, de morceaux de patrons et à chaque fois sur un tissu déjà marqué de rayures, de chevrons, de pied de poule ou de prince de galles. Tout n'est que geste couture, des gestes que l'on s'attend à voir ailleurs une ou deux fois par collection sur la robe d'un final en forme d'apothéose.
Ce qui fait la maestria du vêtement, Rei Kawakubo le grossit 1000 fois et le multiplie par vingt sur chacun des modèles jusqu'à la surdose. Epuisant de génie.
Pourquoi avoir choisi de nous montrer ça maintenant ? Et la réponse vient d'elle même : comme une réplique au minimalisme ambiant, une réaction post-moderne aux réflexions que pose actuellement l'arrivée de talents contemporains à la tête de vieilles maisons de couture et qui cherchent précisément à soustraire le métier de la haute couture à ces exagérations-là, à lui objecter plus d'épure. En parcourant le chemin inverse, Rei Kawakubo parle finalement de la même chose, en multipliant les occasions de prouver sa main couture sur de simples ensembles de jour, elle pousse la réflexion à son paroxysme.
Frisées jusqu'au crépu, les coiffures rendent la même impression de saturation. Le cheveu aux reflets de couleur devient une masse dans laquelle on sculpte une vue de l'esprit : une telle sera plus "Marie Antoinette", une autre aura des reliefs plus "punks", une autre encore une évocation "edwardienne". Coiffures poursuivies par des traces de suie noire qui maquillent les tempes et le front. Magnifique travail de Julien D'Ys en accord avec le décor des réserves rustiques de Weber métaux.
Paquita Paquin