
Raf Simons chez Dior. Première !
Cela va bouger, on le sait, on le sent , on le voit et on adore ça.
Changer d'échelle déjà ! Excepté cet abondant décor de fleurs fraîches qui recouvre entièrement les murs, définissant des petits salons : jaune mimosa, blanc orchidée, roses multicolores, ou bleu lupin, une réalisation presque titanesque tant le travail est minutieux et précieux. Nous sommes pourtant loin d'une super production de la Métro Goldwyn Mayer.
La présentation se veut intimiste façon haute couture, les mannequins passent à deux mètres, calmement, dans de ravissants escarpins à figure humaine ni extrêmes, ni compensés. Les silhouettes sont fines, les coiffures longues et lisses. Passe une robe en forme, buvard, longueur mollet, que seule vient distraire une découpe en bouton de rose sur chaque sein. Le motif est de Dior, mais les proportions sont chamboulées rendues plus fines plus intimes.
Pour mieux faire apprécier un volume de basque, Raf Simons décide qu'un pantalon cigarette noir ou un pull en jersey sont les meilleurs faire valoir. De larges décolletés en revers s'ornent de broderies de fleurs à l'ancienne ; une écharpe bleu électrique se pose en bustier sur un pantalon noir et continue sa route en pans libres, un statement très couture !
Robes bustier près du corps à peine évasées en astrakan marine ou en vison. Des hanches décollées englobées dans des volumes bulbes sous des broderies en houppette mouvante. Une ingénieuse accumulation : mille-feuille de résilles cannage en multicolore. Le soir continue d'étonner avec une robe blanche rebrodée de toutes petites plumes couchées bleues et roses pâles. Jamais plumes n'avaient aussi peu joué l'esbroufe. La dernière robe la 47e , donne la clé du travail d'évocation de Dior par Raf Simons : une robe du soir en organza blanche brodée de mousseline dégradée rose et ciel façon pointilliste.
C'est la finesse du travail d'entomologiste auquel s'est livré le designer anversois qui nous bluffe avec sa façon de magnifier l'infiniment petit et discret plutôt que de se lancer à grands traits dans des ramages grandiloquents. Et oui ça change. Et pourtant Raf Simons donne ainsi sa vision de Christian Dior : " Monsieur Dior était l'architecte du vêtement par excellence. Il construisait des modèles d'une perfection absolue, mais venait souvent y ajouter un détail qui visait à rompre cette perfection ; il donnait ainsi à ses vêtements un supplément d'âme qui permettait à celles qui les portaient de se les approprier. C'est à cet incroyable sens du geste, du détail , que l'on peut comprendre l'amour qu'il portait aux femmes. "
Paquita Paquin