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Nicolas Degennes : dix ans de fantaisie aux maquillages et couleurs Givenchy

Nicolas Degennes fête ses dix ans à la direction artistique des maquillages et couleurs Givenchy.

Lorsque j'étais rédactrice en chef adjointe du mensuel Dépêche mode, de 1994 à 1997, Nicolas Degennes fut un partenaire fidèle des pages beauté. Pourvu d'une imagination débordante, il maquillait et inventait selon sa fantaisie. Aujourd'hui, il fête ses dix ans chez Givenchy. Très prolifique dans ses conceptions, il a su, pendant la période un peu chaotique pour la création de mode qui suivit le départ d'Alexander McQueen, incarner avec ses seuls produits, la marque Givenchy.


Paquita Paquin : Quels sont les faits d'armes qui vous ont amené à ce poste ?

Nicolas Degennes : A l' origine, je suis maquilleur, j'ai beaucoup navigué dans tous les milieux, Laurent Boutonnat, Mylène Farmer, le réalisateur Yan Koonen, j'ai travaillé avec les Cranberries ; j'étais impliqué dans tout ce qui était clip et cinéma. J'ai pas mal travaillé avec Jean Pierre Jeunet. J'ai ensuite été embauché comme maquilleur, par Alain Degreffe un monsieur pour lequel j'ai une admiration sans bornes, aux tous débuts de Canal, une aventure télévisuelle que j'avais envie de vivre pour sa nouveauté, ses relations humaines. Un jour, Alain m'a demandé de coordonner le travail des coiffeurs, maquilleurs et stylistes : donc une direction artistique de chaîne, pour les Césars et pour le festival de Cannes pour lesquels j'ai été très impliqué. C'était il y a11 ans, Canal occupait 50% de mon temps, le reste, c'était les clips, la pub...

Comment avez- vous été approché par Givenchy ?

Par Olivier Echaudemaison, le maquilleur qui travaillait avec Monsieur de Givenchy. J'ai consacré à la maison les 50% de mon temps laissés libres par Canal+. Un an plus tard : grands bouleversements à Canal, je suis passé à plein temps chez Givenchy.

Vous avez succédé à Olivier Echaudemaison ?

C'est lui qui est venu me chercher. Il y avait un casting d'une trentaine de maquilleurs puis plus que deux puis un jour, je reçois un coup de fil : " ça serait bien que tu te pointes, 77 quai Anatole France, métro Anatole France, à Levallois. " J'ai rencontré le PDG Alain Lorenzo. On m'a dit que ce serait bien de signer un contrat avec LVMH et Gloups ! J'ai signé pour trois ans, afin de voir si je pouvais avoir une influence sur l'évolution de la marque, sinon j'aurais pris la décision de m'arrêter.

Je boostais vers l'identité Givenchy, vers le logo des 4G, vers la notion symbolique de ce que ce logo représente aujourd'hui dans la mode. Trois ans plus tard, on était arrivé déjà très loin, je ne pouvais plus m'en aller, bien évidemment.

Comment s'est développée cette passion?

Je pense que je n'étais pas un garçon comme les autres, j'ai toujours beaucoup participé à des événements de théâtre via les écoles, je maquillais mes copines, je me travestissais ainsi que tous les gens autour de moi, ça m'amusait beaucoup. C'était très tôt, vers six sept ans, on faisait des spectacles : des play-back de Dalida et, dieu merci, cela est resté dans des cercles très confidentiels. À 16 ans, j'ai eu la chance de croiser aux Etats-Unis un système d'éducation qui m'a extrêmement bien convenu avec couture, théâtre, danse, expression orale et une scolarité classique le matin. On libérait notre créativité et là j'ai commencé la photo. J'ai rencontré l'ancien assistant du maquilleur José Luis pour qui j'ai une admiration profonde car c'est LE monsieur qui, je pense, a lancé notre métier. C'était un artiste, l'assistant, Hugo, était argentin. Quand j'ai entendu parler du métier qu'il faisait, j'ai dit à mes parents : " j'ai pris une décision, je veux être maquilleur, je me dédie à ça. " J'étais très loin du schéma familial.

Mes parents ne pouvant pas trop m'aider, je me suis débrouillé tout seul. Nous habitions une petite ville de province et je n'avais même pas conscience que ces métiers étaient accessibles aux hommes.

Cette fonction de Directeur Artistique fut évidente tout de suite ?

Je l'ai accaparée. J'en ai fait ce que moi je suis. Est-ce-que c'est une évolution ? Ce n'est pas à moi de juger. J'ai voulu essayer :

1/ De savoir et comprendre la création d'un produit. On fait quoi ? On travaille avec quels chimistes ? Qui sont les gens du départ ? Qu'est-ce que les chimistes peuvent m'apporter?
2/ Comment fabrique-t-on un produit?
3/ Le packaging, on va jusqu'où?
Voilà j'ai voulu m'impliquer dans toutes les facettes des créations qui touchaient le maquillage Givenchy.

Je ne sais pas ce que font les autres, moi je sais que je contrôle un rêve de produit. Par exemple, dans un seul prisme " mono " le nouveau fard quatuor monochrome, décliné en quatre textures du plus mat au plus brillant, soit on mélange le tout, et l'on a un résultat, soit on s'accapare indifféremment un des quatre petits carrés, et l'on obtient un autre résultat. Cela faisait trois ans que j'en rêvais, aujourd'hui on le présente. C'est formidable. Voilà mon rôle : travailler de la racine du produit jusqu'à sa finalité qui, pour moi, est l'image.

Vos concurrents ?

Je n'ai pas de concurrents, il y a des marques concurrentes. Mais j'ai une grande admiration pour Dominique Moncourtois, qui crée les maquillages Chanel, pour Olivier Echaudemaison, des gens vraiment impliqués, pour Dominique Szabo qui a lancé les météorites chez Guerlain et qui a influencé énormément le travail de toutes les grandes maisons de cosmétiques. Elle est aujourd'hui chez Lauder. Et bien sûr, Serge Lutens qui m'inspire une grande admiration. N'oublions pas que c'est lui qui a lancé la première ligne de maquillage Christian Dior. J'ai envie de leur ressembler un jour. Je me retrouve dans des axes là, qui sont des axes de travail et de conception de produits jusqu'au rêve et j'espère bien avoir moi-même un univers marqué.

Vous jouez beaucoup avec le logo Givenchy ?

Olivier Echaudemaison, en 84, a eu l'intelligence incroyable de mélanger quatre couleurs: les codes étaient donnés et puis, à travers la ligne " miroir ", il a continué les quatre couleurs en sortant des carrés. Moi, je voulais revenir à la notion absolue des quatre G, j'ai toujours dit que Givenchy avait quatre pieds, j'aime ce logo car je le trouve extrêmement stable.
Mr de Givenchy a quitté la maison en 97 ; surfer sur le logo, c'était se remettre un peu dans sa tête par rapport à la couleur, par rapport à l'énergie, par rapport à ce qu'il a pu valider avec Olivier Echaudemaison. Comment moderniser la tradition. Je pourrais difficilement inventer ou créer sans partir d'une tradition, j'aime bien revisiter une histoire et entrer dans le coté un peu fantasmagorique de l'histoire.
Voilà ce que je crois avoir essayé de faire chez Givenchy. Quant aux 4 G, j'ai toujours pensé qu'il y avait deux maisons de luxe dans le monde, deux c'est peu, dont le sigle pouvait se reconnaître d'un bout à l'autre de la planète. La première, je ne vous l'apprends pas, c'est Chanel, l'autre c'est Givenchy. J'avoue que j'aime bien les symboles, j'ai besoin de travailler avec des symboles qui dépassent la notion d'initiales.

Comment décririez-vous l'esprit Nicolas Degennes ?

Un produit qui me définit parfaitement : " Phenomen'Eyes ", Le nouveau mascara de Givenchy. C'est tout à coup ne rien respecter, parce que le respect des choses, quoi de plus ennuyeux ! Je dis toujours aux équipes, " Quand vous me proposez deux fois la même texture, ça m'ennuie. Essayez d'être plus novateurs ! Il faut s'amuser plus. " Phenomen'Eyes représente cet esprit de liberté, j'aime les sens interdits. Quand on me dit : Nicolas on ne peut pas faire ça, car on ne procède pas de cette façon pour créer un mascara, je réponds : " Et bien, justement, c'est là qu'il faut aller, car, si les autres ne l'ont pas fait, on va tout tenter pour que ça marche. ". Ce mascara rompt avec toutes les habitudes d'utilisation qu'on en avait. Sa tige courte permet, quand on n'a pas la main sure, de prendre appui sur le visage et ça c'est plutôt pas mal, elle permet aussi de maquiller jusqu'à la racine des cils. Grâce à la boule au lieu d'une brosse oblongue, on peut le passer dans tous les axes pour travailler les cils intérieurs, les cils extérieurs et ceux du dessous de l'oeil. La pression mécanique accentue la courbure des cils et ouvre le regard. J'aime destroyer les choses, je connais parfaitement bien mes produits donc je les détourne constamment pour en faire autre chose. Voilà ma tournure d'esprit. On ne fait pas deux fois la même chose c'est ennuyeux, la vie est plus rigolote que ça !

Le temps consacré au maquillage ?

Trente pour cent de mon temps, je pars demain au Japon faire sept studios, dont une prise de vue avec six filles à maquiller et cela m'amuse. Ça m'éclate, c'est au bout du monde, les photographes sont formidables, les gens plein d'énergie et dans mes mallettes, j'emporte souvent des produits pour lesquels je suis en recherche. Je les essaye et si je ne peux pas m'en dépatouiller, je les abandonne. Il peut aussi m'arriver une aventure excitante, alors je poursuis ma recherche. C'est un terrain expérimental, j'en suis arrivé à faire de la recherche pendant que je maquille.

Le teint, la bouche, l'oeil, auquel pensez-vous en premier ?

Forever et toujours le teint. Si je n'ai pas travaillé le teint (je ne dis pas appliqué un fard, je peux travailler un teint avec juste une crème), je ne connais pas le visage de la fille, je ne sais pas par où ça descend. Je ne sais pas comment faire remonter le système. Palper et souvent en fermant les yeux ! C'est dans ma façon de toucher les peaux que je comprends mieux comment se passent les choses, comment appliquer le maquillage, comment réveiller le visage de quelqu'un. Si je ne passe pas par ce stade-là, je suis souvent perdu.

Avez-vous une expérience de maquillage surprenante avec une star ?

Une des plus belles personnes que j'ai maquillé et pour laquelle j'ai une passion, c'est Jeanne Moreau. Au moment où j'étais très impliqué par Cannes, elle a été nommée présidente.
Pour l'ouverture, elle ne voulait pas me rencontrer. Je comprends très bien qu'une femme comme elle puisse dire : " Je me connais parfaitement bien, je n'ai pas besoin d'un maquilleur ".Pour l'ouverture, je n'ai obtenu qu'un petit quart d'heure pendant lequel j'ai commencé à la manipuler, à voir ses erreurs, à les diluer sans rien dire, et tout d'un coup juste avec un petit massage de rien, j'ai réussi à relever un peu ses traits (on stimule le musculaire et ça marche sur le court terme). On vient me glisser à l'oreille : " Nicolas, on a un quart d'heure de retard, perd un quart d'heure avec elle, il ne faut surtout pas qu'elle sorte de ta loge. Alors là, je me concentre et je repars, je tire un peu son oeil...
Et puis, arrive la clôture. On me dit : " tu as rendez-vous à 15 heures avec Jeanne Moreau et cette fois, je la découvre non maquillée, qui m'attendait. Mon travail était à moitié fait. C'est incroyable car j'avais une dame de 70 ans devant le miroir et j'ai commencé à fermer les yeux et vraiment à travailler avec elle, à continuer mes manipulations. Ce métier veut qu'on touche, qu'on soit avec les peaux et moi j'ai besoin de comprendre les peaux. Je ne regardais pas le miroir, je n'avais pas envie de voir ce qui s'y reflétait. J'étais concentré sur ce que je ressentais. J'ai dessiné un nez et des sourcils très vite et là, j'ai regardé dans le miroir.
De la dame qui était sur mon siège, à celle que je voyais dans le miroir, tout d'un coup le mythe est arrivé : Jeanne Moreau était là, elle était jeune, elle était née, elle était dans une dynamique incroyable et ce qui a été formidable, c'est qu'en entrant dans cette manipulation, elle m'a accompagné, je ne suis pas resté seul, tout à coup on ouvrait des portes...

Je suis resté presque dix ans à ses côtés et me suis beaucoup amusé, j'ai fait un film avec elle. Quelque chose s'est passé avec Jeanne Moreau. Quand j'ai fini le maquillage, j'ai mis un peu de poudre sous Les yeux, et elle m'a dit: " Nicolas, il n'y a que moi qui fait mes lèvres ". Je lui ai dit " voila le crayon ". Elle est devenue comme une petite fille et m'a dit : " Regardez, voilà comment je fais ! ". Je l'ai vu prendre ses lèvres et clac, elle était devenue Jeanne Moreau, dans toute sa représentation de star. Sa bouche est aussi incroyable que sa voix, et cet épisode est amusant car elle m'a rendu ce que je venais de lui donner car en fait ce qu'on attend du maquillage c'est un comportement magnifié à travers la conscience de la beauté retrouvée.

Qu'est ce qui a été le plus imité dans vos grandes inventions en dix ans ?

La présentation en prisme a été copiée dans tous les sens. Pâle copie par Laura Mercier, mais au Japon, notamment, c'est allé du packaging, aux couleurs, jusqu'à la texture. Certaines marques achètent le boîtier et refont exactement la même chose à l'intérieur.
Les perles de cils, une idée trouvée par accident, de fines boules de polymère que je collais au bout des cils comme des perles, furent également copiées par une grande marque mais avec beaucoup moins de succès. Et puis Phenomen'Eyes qui vient d'être copié par nos amis de chez L'Oréal. Je trouve ça plutôt valorisant finalement d'être celui que l'on copie.

M. Bright, M. Light, M. Mat sont des produits pour hommes ?

Je considère qu'ils peuvent convenir à l'un et l'autre sexe. Ces produits pour l'éclat, la lumière et la matité, je les aimerais non sexués. C'est parfois gênant de parler de sexe pour le maquillage. Les produits de beauté sont admis pour tous les sexes imaginables jusqu'aux transsexuels. J'ai toujours été extrêmement gêné par cette sexualisation. Après tout, les hommes politiques, les comédiens, tous les hommes qui se font photographier sont traités à travers le maquillage, alors quel drôle d'idée de continuer à différencier produit pour homme ou pour femme. Pour moi, l'idée a fait son temps.

Dernières découvertes scientifiques ?

Nous travaillons avec une soixantaine de chercheurs sans compter les collaborations extérieures comme pour cette technique de pharmacie : " l'atomisation ", découverte appliquée aux antibiotiques, afin d'obtenir des molécules de même taille. Le procédé permet de casser toutes les particules. Quand vous ingérez une petite pilule les actifs se diffusent exactement en même temps. On est partis de là pour réduire toutes les particules de nacre mates ou brillantes, cela permettait de ne garder qu'un halo lumineux. Voilà la grande nouveauté pour le visage. Les poudres pulvérisées à forte pression s'éclatent contre les parois comme dans un tambour de machine à laver ou un accélérateur de particules. Après l'atomisation, les poudres sont cuites pour en réduire la friabilité et obtenir une crémosité c'est le principe "du Prisme Yeux Mono" qui réinvente le monochrome en jouant sur les effets de matières : du mat au pailleté, en passant par un irisé léger et un nacré intense.

Ce qui fera la modernité du maquillage dans les années à venir ?

La frontière entre maquillage et soin va devenir de plus en plus mince. Les produits soignants vont devenir légèrement maquillants et les produits maquillants vont devenir soignants. L'avenir de la cosmétique est dans ce fil du rasoir qui nous oblige à travailler main dans la main avec les responsables du soin.

 

Propos recueillis par Paquita Paquin

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