
Femmes au bord de la crise de rire
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Calamity Jane avait déjà fait de l'ombre aux garçons à chaps. Marie Curie à ceux à fioles. Avec "Mes meilleures amies"("Bridesmaids"), c'est au tour de Popeck de flipper : les filles font marrer comme des garçons !
Les femmes ne sont pas drôles. Peu de chance que l'une d'elle invente un jour la "trompette à prouts". Soyons honnête, ce n'est pas qu'elles ne soient pas à proprement parler "rigolotes", mais lorsqu'elles le sont, c'est en général d'une manière plutôt éloignée de celle qui fait se tordre de rire la frange dure du lectorat de la presse masculine, également coeur de cible de la comédie américaine.
Savante et maligne, la fille à velléités humoristiques utilise des méthodes détournées pour arriver à ses fins. La méchanceté d'abord : Dorothy Parker dégoisant sur ses contemporains au bar de l'Algonquin ; Anna Wintour au pressing, lorsque son tricot Alexander Wang en sort encore plus déchiré qu'il ne l'était à l'origine. Le ridicule aussi, par exemple lorsqu'elle sort des cabinets de la Maison du Caviar, une feuille de papier toilette en décalcomanie sur la Louboutin.
Son âge peut également l'aider à manier l'humour avec talent, qu'elle soit jeune (Taylor Momsen), ou bien plus âgée (Liliane Bettencourt). Au cinéma, c'était jusqu'à présent pareil. Méchante : Nellie Oleson dans "La Petite Maison dans la Prairie". Ridicule : Reese Whitherspoon dans Legally Blonde. Jeune : Lindsay Lohan dans "Mean Girls". Vieille : Woody Allen.
Jusqu'à présent le raz-de-marée de la comédie patato-régressive US en vogue (Judd Apatow, Ben Stiller, Will Ferrell, Dany McBride...) ne respirait pas vraiment les salons de beauté du Dr. Hauschka. Erreur réparée avec "Mes meilleures amies".
Là, les filles ont de quoi être fières. Soixante ans de militantisme féministe acharné pour gagner le droit de faire marrer en vomissant sur les genoux d'une copine en robe de mariée, bravo ! C'est un combat qui force le respect. Avec ce film, la lutte est gagnée haut la main tout en nous préservant du trop plein de remarques mignonnes, tendance Jimmy Choo, de "Sex In The City".
Le film est écrit par Kristen Wiig et Annie Mumolo, pas vraiment des superstars, même si la première fait se bidonner l'Amérique de gauche depuis plusieurs années dans le Saturday Night Live, et la seconde l'Amérique encore plus à gauche au sein de la troupe de théâtre The Groundlings. Il est réalisé par Paul Feig, responsable de nombreux épisodes des séries les plus futées de la télé américaine : "The Office", "Arrested Development", et surtout créateur de "Freaks and Geeks", la Pierre de Rosette de "l'humour Apattow", justement producteur de "Mes meilleures amies".
Le film, sorte de hangover version Saforelle, raconte les aventures d'une quadragénaire pas vraiment au top sentimentalement ni professionnellement, à qui sa meilleure amie demande d'être sa demoiselle d'honneur. La fripée de la vie va devoir se coltiner une nouvelle venue dans l'entourage de la future mariée : Rose Byrne (la série "Damages", "X-Men First Class"...) tout droit sortie des pages du magazine "Town and Country" et prête à tout pour gagner son titre de "B.F.F."( best friend for ever). La rencontre entre la looseuse encartée et la Jackie O. suburbaine va tourner au combat de catch dans la boue, duquel même la boue sortira salie.
On retrouve dans cette version Barbie des films d'Apatow ("40 Years Old Virgin", "SuperBad", "Knocked Up"...), les mêmes gimmicks que dans leurs pendants Ken : les bitures qui tournent à l'apocalypse (ici une mémorable scène de cuite dans un avion), la "loose" érigée en style de vie (là, un cours de gym version clochard revigorant), l'absurde (un magnifique plan dans lequel Kristen Wiig au volant d'une bagnole fait TOUT pour se faire remarquer d'un flic qui lui a tapé dans l'oeil) et même la désormais fameuse scène finale en chanson. Avec, cependant, un bonus, film de vestiaire de meufs oblige : John Hamm à poil...
Mais dans "Mes meilleures amies", tout y est encore plus drôle ! Comment ça se fait ? Non ! Ça serait pas la faute aux filles ? Elles feraient se gondoler pareil que des mecs abrutis, voir d'avantage ? Ça, c'est flippant, parce qu'il manquerait plus que les comédies pour garçons deviennent intelligentes !
Jean-Marie Delbès