
La mode surgit là où on ne s'y attend le moins. Quelquefois. Soyons franc, cette saison, et encore moins qu'auparavant, la Couture, même si celle-ci essaie de s'injecter du botox pour rajeunir avec jeunes créateurs inclus, n'est pas le laboratoire le plus dingue pour les nouvelles tendances. Très peu y trouvent leur compte et certains essaient même de profiter de l'agenda d'une dame vieillissante et conciliante, la semaine de la Couture est moins chargée que celle du prêt-à-porter. Pas chez Valentino, pas cette saison. Et détail du temps, la délicatesse revient comme ordre du jour au profit d'une élégance plus légère, plus crémeuse. Un blanc-manger de la création, en somme, où il est difficile d'y battre les oeufs sans que ceux-ci ne retombent par terre. En clair, comment concilier élégance et modernité sans plonger dans l'effroi de la ringardise. Et vlan ! Mais pas chez Valentino, pas cette saison !
Puisque on a donné un peu de temps à deux jeunes sans qu'on essaie de les achever dans leur détermination, Maria Grazia Chiuri & Pier Paolo Piccioli ont pu s'exprimer hier, 6 juillet 2011, avec toute la grâce d'une collection fraiche et détachée du temps. Déjà un exploit. Mais les ors et argents déployés sur des robes d'une fluidité étonnante convoquent malgré tout un esprit contemporain. Parce qu'elles ne le sont surtout pas, contemporain, ni dans leur structure, ni dans leur composition. Si on était plus attentif à cette semaine, il y avait déjà un postulat très fort chez Chanel : rien de neuf, c'est ce qui est neuf ! En reprenant les bases des tailleurs d'avant, période Coco, Lagerfeld avait déjà fomenté les bases de l'opération. Mais les deux jeunes designers de Valentino ont poussé plus radicalement le concept car c'est dans l'attitude de porter ces vêtements, presque des vintages neufs, que le contemporain surgit : des tailleurs presque académique, des robes en mousseline transparentes et portées en toute innocence. Voilà donc une version light de l'art de Valentino : du glamour qui glisse sur des robes longues et droites au ras du sol ; en prime, une vieille idée, une allure néo médiévale qui sied parfaitement à l'envie de l'époque. C'est ce sens de la mémoire que Maria Grazia Chiuri & Pier Paolo Piccioli pratiquent facilement, comme si les ors du salon d'aujourd'hui, moins la débauche des périodes précédentes, n'imposaient plus une outrecuidance du style. Certaines filles en robes aux reflets cuivrés et dorés ressemblent à des femmes cosaques, mais elles se cachent aussi derrière une sexualité plus diffuse. A l'instar d'une Catherine II de Russie dissimulant encore son mobilier des plus coquins (un trésor de guerre que les nazis n'ont jamais trouvé).
Tout le défilé contient ce difficile équilibre, une simplicité des belles robes, une Couture juste ou une juste-Couture, avec une intemporalité qui faisait défaut depuis quelques années. Le hors-temps est une aire de jeux complaisante pour ces deux-là où s'épanouissent robes irisées de dentelles de cristal, robes volantées, robes en velours dévorées d'une sobriété monastique, etc... Et si l'on portait de la Couture comme du prêt-à-porter ?
Défilé Valentino Automne-Hiver 2012
Lieu : Paris
Hôtel Salomon de Rothschild, 11 rue Berryer
Le 06/07/2011 à 15:44