
Un an et demi après la disparition de Simone Veil, le 30 juin 2017 à l'âge de 89 ans, les hommages se poursuivent. Cette fois, c'est d'un biopic dont il est question. Et s'il semble que ce soit aujourd'hui un passage obligé lorsqu'on a marqué, par sa vie, son parcours ou son oeuvre, les mémoires, le projet peut effrayer. La faute à certaines inégalités qui existent dans ce genre cinématographique. On fait le point sur la question.
Depuis quelques années, le biopic s'impose en maître dans les salles de cinéma. Faisant office d'hommage ultime, ce genre a de quoi séduire comme décevoir. Alors quand on voit qu'un biopic sur la vie de Simone Veil pourrait voir le jour, on éprouve forcément quelques craintes. Qui peuvent ne concerner que nous, on le conçoit.
A la tête du projet, Olivier Dahan, réalisateur de "La Môme", et Vanessa Schneider, autrice de "Tu t'appelais Maria Schneider". Deux noms qui rassurent, certes, mais qui ne garantissent pas un sans-faute.
La crainte d'un portrait trop lissé
Un biopic sur Simone Veil, oui, mais le risque d'obtenir un portrait très lisse est grand. Lorsqu'on y pense, on envisage forcément deux grands axes de sa vie : sa déportation dans le camp d'Auschwitz à l'âge de 16 ans et son combat pour le droit à l'avortement en 1974. Deux sujets battus et rebattus dont on peut amplement lire les détails dans l'autobiographie de l'intéressée, "Une vie". Si traiter ces deux grandes phases de sa vie est honorable, on peut avoir quelques craintes à voir tout cela basculer dans le dramatique et le lyrisme. Et, par là, obtenir un portrait aseptisé.
Pour prendre un exemple très concret, quoi qu'un peu différent, examinons le cas "Colette", actuellement en salle. L'autrice française est ainsi campée par Keira Knightley et dévoile un portrait extrêmement lisse de l'écrivaine. En effet, il y a une certaine facilité à dépeindre une Colette polissée et romantique, pas vraiment réaliste quand on connait sa gouaille et son image sulfureuse, notamment dans une deuxième partie de sa vie. Loin de l'image de Keira Knightley, que l'on adore, mais qui est un brin précieuse. Le biopic préfère ainsi l'image de jeune première d'une femme dont on passe sous silence la bisexualité ou encore la liaison avec le fils de son second mari alors qu'elle a 47 ans et lui 17 ans. Une image si sulfureuse que l'Eglise catholique refusera de lui accorder un enterrement religieux.
Et si la vie de Simone Veil est à certains égards plus conventionnelle, même si tragique sur d'autres points, il n'est pas impossible de se retrouver avec un portrait volontairement "gentillet". Même si, pour se rassurer, on peut se dire que le fait que le biopic "Colette" ait été réalisé par un Américain, Wash Westmoreland, n'ait pas aidé dans cette affaire, apportant cette image d'une France romantique et lisse si chère à l'international. La preuve avec l'adaptation en comédie musicale du chef-d'oeuvre de Victor Hugo, "Les Misérables", de Tom Hooper.
De plus, le téléfilm "La Loi", diffusé en 2014, racontait déjà l'histoire de la loi pour l'avortement et avait séduit le public. Simone Veil était alors incarnée par Emmanuelle Devos. On se demande ce qu'un biopic peut apporter de plus.
Une figure complexe
Quand on y pense, ne serait-il pas intéressant de parler de la figure complexe qu'était Simone Veil ? Voilà ce qu'on souhaite, au fond. On connait moins son évolution politique, par exemple. De même, certains passages de son discours à l'Assemblée Nationale pour défendre le droit à l'avortement peuvent aujourd'hui faire tiquer. S'opposant à la banalisation de l'avortement, elle affirmait alors que celui-ci "restera toujours un drame" et que "si [la loi] n'interdit plus, elle ne crée aucun droit à l'avortement".
Des nuances qui, si elles ne remettent pas en cause l'importance de son combat ni ne minimise son courage face aux injures, ont quelque chose de culpabilisant pour les femmes. Une culpabilisation farouchement combattue par les féministes actuelles.
N'est-il pas intriguant, aussi, d'avoir vu le nom de Simone Veil accolé à celui de la Manif pour tous dans certains articles ? Prouvant que la femme politique et de lettres était plus complexe qu'on ne l'avait cru. Un biopic devrait être une occasion d'apprendre, un genre qui évite les raccourcis.
Si le projet n'en est qu'à ses prémices, on sait d'ores et déjà que c'est Elsa Zylberstein qui jouerait Simone Veil à l'écran. Pour le reste, les attentes sont grandes.