
Parfois, il semble difficile pour certains de ne pas associer regroupement de femmes et féminisme. Pourtant il va bien falloir s'y faire : toutes les femmes ne sont pas féministes et le fait de se retrouver dans un événement composé presque uniquement de femmes n'équivaut certainement pas à une démarche engagée. La preuve avec l'annonce d'un jury 100% féminin pour l'élection Miss France 2019.
Parce que le fait est rare et parce qu'il s'agit d'une "grande première" - comme le titre tous les médias - l'annonce d'un jury 100% féminin pour présider l'élection de Miss France 2019 déchaîne les passions. Et c'est sans surprise que l'idée d'une assemblée de femmes se voit reliée au féminisme. Comme si l'idée même qu'un groupe de femmes soit inconcevable sans qu'il y ait une démarche engagée derrière. Pourtant il faut bien se rendre à l'évidence : le concours Miss France, lui-même, ne peut pas être considéré comme féministe, jury féminin ou non.
Des femmes pour juger d'autres femmes
Cette simple idée est à l'inverse du féminisme. En effet, instaurer une rivalité entre les femmes est une thématique déjà largement exploitée par les magazines féminins jusque dans le cinéma, où l'on encourage peu la sororité ou la bienveillance entre les femmes. On comprend donc sans mal que mettre un jury 100% féminin pour juger les candidates de l'élection Miss France 2019 ne fait pas vraiment évoluer les choses.
D'ailleurs, on peut compter sur Sylvie Tellier, directrice de la société Miss France, pour contrer une éventuelle "démarche féministe" : "Olala, non, non, non... Ce n'est pas une décision revendicatrice de quoi que ce soit, il ne faut pas tout mélanger. On est quand même un concours de beauté, et je comprends que les féministes ne s'y retrouvent pas. Mais à notre manière nous soutenons la cause des femmes. Nous présentons trente jeunes femmes libres et engagées qui ont choisi d'être là. On a un jury de femmes cette année mais on aime les hommes. D'ailleurs on a le plus beau d'entre eux avec nous : Jean-Pierre (Foucault, ndlr)". Un événement uniquement féminin, c'était finalement trop étrange, mieux vaut quand même qu'il y ait un homme.
On comprend donc que le concours Miss France garde sa recette habituelle et n'est pas prêt pour une véritable modernisation.
Au programme, donc, la thématique "Les Miss font leur show". Ce qui ne veut pas dire qu'on n'aura pas droit à l'étape "défilé en maillot de bain", bien sûr. "On n'est pas un concours de talents mais un concours de beauté. On donne le plus de place possible aux discours des Miss, que les téléspectateurs attendent pour se décider, et aux défilés qui permettent de juger de la beauté mais aussi de la personnalité, de l'énergie des Miss", précise Caroline Gavignet, productrice de l'émission pour Endemol.
"Les choses ont changé depuis mon élection. Aujourd'hui, les filles passent un test de culture général qui est coton, on fait attention à leur savoir-vivre, à leur façon de se positionner quand elles font un discours, à leur personnalité aussi", confie encore Sylvie Tellier.
Puis d'appuyer encore sur l'espoir qu'elle met dans ce jury composé de femmes : "Je crois que les femmes sont plus exigeantes sur la présentation générale des candidates, et ouvertes aussi aux femmes qui ont du caractère". N'en reste pas moins que la finalité est toujours la même : des femmes qui sont jugées sur leur physique.
La beauté, un concept très subjectif
Le concept de concours de beauté est - plus que jamais aujourd'hui - aberrant. Surtout quand on voit que les candidates sélectionnées affichent toutes le même genre de silhouette, qui correspond aux idéaux de beauté inatteignables. On ne s'attardera même pas sur un concept comme celui de Miss Ronde. C'est la question de la rivalité entre les femmes qui est encore et toujours dérangeante, en plus du besoin de créer un concours de beauté pour celles qui ne rentrent pas dans les standards.
Ainsi, à l'instar du défilé Victoria's Secret qui rejette farouchement l'idée d'inclusivité et de diversité, ce sont les corps normés qui ont leur place dans le concours Miss France. Alors oui, on peut reconnaître une évolution lorsqu'on voit des femmes engagées comme Marine Lorphelin (Miss France 2013) ou encore Flora Coquerel (Miss France 2014).
Pour autant, c'est un fait, les concours de beauté continuent de propager l'idée de femme objet et ne favorise pas la bienveillance.
H. F-G