
Comme chaque année depuis qu'on a atteint l'âge de 12 ans, on ne regarde pas "Miss France". D'abord parce que ça fait bien longtemps que ça ne nous vend plus du rêve, mais aussi parce qu'en se penchant de plus près sur son mode de sélection parfois lunaire, on se dit que ce concours est franchement bien loin de représenter les femmes d'aujourd'hui.
Avec plus de 7 millions de téléspectateurs au rendez-vous samedi dernier, le concours Miss France était largement en tête des audiences sur TF1. Et pourtant, nous qui passions la soirée tranquille à la maison, on s'en est volontairement passé. D'abord parce qu'on trouve ça long, ultra gnangnan et surtout pas franchement très honnête. D'ailleurs, en survolant rapidement les images phares du show, on a tout de suite compris qu'on ne s'était pas trompé et que tout ça était encore loin d'avoir évolué.
Des conditions et une image très contrôlées
Ce qu'il faut savoir d'abord, c'est qu'à la base, ce concours date de 1920 et qu'il s'appelait initialement "La plus Belle Femme de France". Une expression très claire donc, qui signifie bien que les jeunes femmes sont censées se montrer sous leur meilleur jour. Mais à quoi ça rime; au juste ? Son créateur, Maurice de Waleffe, journaliste et écrivain, expliquait à l'époque :
"L'intérêt est double. D'abord, en mettant la splendeur physique au concours, on la force à se montrer. Ensuite, le choix de la majorité indiquera le type instinctif d'une nation".
En gros, il s'agit bien de désigner la plus bonne de tes copines et de permettre ainsi aux habitants d'un pays de savoir quels sont les nouveaux canons de beauté auxquels se conformer...
D'ailleurs, encore aujourd'hui en 2018, les conditions physiques pour participer au concours sont très claires et particulièrement détaillées. Pour se voir octroyé le titre de femme la plus belle de France, il est nécessaire d'avoir entre 18 et 24 ans, de mesurer au moins 1m70 sans talons, d'être célibataire, de ne pas avoir d'enfant, de ne jamais avoir été mariée ou pacsée, de ne pas fumer en public, de ne pas afficher de tatouages ou de piercing, de se comporter avec grâce (???), de ne pas avoir de casier judiciaire et bien évidement de ne pas avoir posé nue.
A noter également que si vous n'êtes pas autorisée à vous en griller une, picoler de façon modérée est en revanche permis (amen). En gros, il faut être une jolie poupée tout en réserve et en élégance et surtout ne pas bouger d'un pouce :
"Garder la même apparence physique pendant tout le règne".
Et comme on s'en doutait, les précisions qui suivent indiquent noir sur blanc que cela concerne aussi bien la couleur des cheveux que la silhouette. En gros, si t'es élue, t'as pas intérêt à prendre du poids quoi. Une règle que la nouvelle Miss France, Vaimalama Chaves, a bien intégré. Interviewée par Le Parisien, qui lui demande d'évoquer sa perte de poids, elle répond :
"J'ai changé ma façon de manger et j'ai fait du sport et j'ai vu des résultats. Pour devenir Miss, il a fallu sacrifier quelques gâteaux, quelques soirées barbecues et des pizzas, mais le résultat est là".
Sois belle et tais-toi ?
Si on est content de voir que cela lui a permis d'être mieux dans sa peau, ce que l'on déplore néanmoins, c'est que l'accent ne soit pas d'abord mis sur autre chose que sur le physique. Car il faut l'admettre, en lisant cette liste encore et encore, quelque chose nous taraude : rien n'est précisé quant aux qualités intellectuelles ou humaines de la jeune reine de beauté. Ni ça, ni un quelconque talent, comme c'est parfois le cas dans d'autres concours nationaux comme Miss USA. On comprend mieux pourquoi le comité rajoute cette mention dans le contrat signé par les participantes :
"Être miss régionale n'est pas un métier, c'est le titre d'un concours de beauté ; à cet égard, il est rappelé à toutes fins utiles, que le délégué n'est aucunement tenu de proposer des gratifications ou opportunités aux candidates, ni aux miss et dauphines élues".
Ah, voilà, on y vient. Malgré les stéréotypes renvoyés par la société, la beauté reste un critère très subjectif, difficile donc de garantir aux participantes des retombées professionnelles. Quant à la gagnante, elle sait déjà ce qui l'attend : prendre son mal en patience, garder un discours bien lisse, se faire un réseau et gagner sa place au soleil en tant que chroniqueuse média ou influenceuse.
On entend déjà certains hypocrites s'exclamer que c'est faux, que ces Miss sont soumises à un concours de culture générale et que c'est un critère qui compte tout autant. Comment vous dire, il s'agit d'un QCM niveau collège où les questions posées sont de cet acabit :

Et le pire, c'est qu'il n'a pas l'air d'être pris au sérieux, car parmi le trio de tête 2019 de ce petit test de culture générale, aucune des candidates ne fait partie des trois premières à l'arrivée. D'ailleurs, si on se souvient bien des foires de village, des séances de dédicaces en supermarché, des plateaux télé et autres passages en studio radio, on a beaucoup plus de mal à se remémorer des sorties publiques fortes de la part d'une Miss France, d'une prise de parole marquante pour faire avancer une cause ou de tout autre action qui permette de mettre en valeur chez elle autre chose que ses atouts physiques.
Du coup, on est plutôt d'accord avec ce constat de l'écrivaine Maïa Mazaurette :
"Si c'est un concours de beauté, ce serait bien de l'appeler Miss Beauté. La France vaut mieux que ça. La condition féminine aussi".
Des critiques qui ne passent pas auprès de Sylvie Tellier, présidente du comité, qui répond à tous ses détracteurs en certifiant que :
"Les féministes se trompent de combat. Depuis quelques années, les candidates s'engagent dans de belles causes. Elles agissent aussi pour améliorer la condition féminine".
OK, alors pourquoi en remontant TOUT le fil de l'année de règne de Maeva Coucke, on a trouvé uniquement cette vidéo tournée pour la journée internationale des droits de la femme ?
Un peu léger, vous ne trouvez pas ? Nous, si. Et encore une fois, si Sylvie Tellier dit peut-être vrai, il est bien dommage de constater que ce qui est mis en avant sur les réseaux par son comité ne soit pas l'engagement de sa Miss, mais ses sorties sur tapis rouge. Pas toujours cohérentes d'ailleurs.
Désolé mais nous, quand on voit que les véritable stars du cinéma censées être mises à l'honneur se font piquer la vedette par des candidats de téléréalité et autres Miss beauté, on se dit que franchement, quelque chose ne tourne pas rond...