
S'il y a un personnage qui fait son grand retour depuis quelques années, c'est celui de la sorcière. Plus qu'une figure de conte ou un fantasme "halloweenesque", celle qui s'est longtemps coltinée l'image d'une harpie repoussante s'est "glamourisée" pour aujourd'hui incarner mysticisme et bien-être. A tel point que les marques en font un argument marketing. Analyse.
Après avoir connu le bûcher et s'être vu coller l'image inquiétante de la femme au nez crochu et au chapeau pointu qui sème la terreur assise sur son balais, la sorcière s'impose aujourd'hui comme un véritable objet marketing. Qu'on se le dise, le retour du naturel en bien-être et en beauté a fait revenir la sorcière en force.
La sorcière ou le nouveau lien au naturel
Depuis quelques années, les consommatrices surveillent avec attention la composition de leurs produits. Une nouvelle démarche bien-être qui a favorisé un véritable retour au naturel, au point de voir certaines beautystas préparer leurs propres produits. Les recettes naturelles fleurissent un peu partout sur Internet, révélant leur lot de plantes miracle pour la peau et le corps.
Toujours dans le registre des pouvoirs de la nature, c'est dernièrement la lithothérapie qui est devenue la nouvelle manière de se soigner à la mode. En cette rentrée, les livres pour apprendre les bénéfices des pierres fleurissent en librairie. Il ne manquait plus que l'imagerie du Tarot revienne en force pour compléter le tableau. Bref, c'est tout l'imaginaire autour de la sorcière qui fait vendre.
Une tendance qui n'a bien entendu pas échappé aux marques, qui ont décidé de répondre à cette nouvelle manière de consommer et d'envisager le bien-être. Un peu comme lorsque le mouvement du "no make up" devient un argument pour...vendre du maquillage. On voit ainsi de plus en plus de grandes marques beauté prôner la naturel et proposer des produits infusés aux pierres.
Quant à l'émergence de "kits de sorcières", ils soulèvent de véritables polémiques. Ce fut le cas pour la marque de parfums Pinrose qui avait annoncé la sortie d'un "Starter Witch Kit" qui devait sortir chez Sephora en octobre. Un kit depuis annulé par la marque suite au tollé qu'il a suscité. Car, concrètement, il semble un peu simpliste de réduire la sorcière à trois feuilles de sauge, un caillou et des cartes de tarot remasterisées.
Peut-être faut-il rappeler, quand même, que la sauge est une herbe sacrée liée à un rite ancestral. En bref, la mettre sous un packaging mainstream c'est un peu comme si on proposait un coffret pour les ados avec une figurine de la Vierge et une Bible à l'intérieur.
Cela n'empêche pas pour autant des marques comme Fourth Ray Beauty de sortir un "Ritual Kit" contenant des produits infusés de pierres qui s'accompagnent de cristaux et de sauge. Le tout pour la modique somme de 150 dollars, à en croire le site Fashionista.
Mais pourquoi tant de polémiques autour de cette marketisation de la sorcière ? Cela tient sans doute au fait que certaines n'ont pas attendu cette "tendance" pour se soigner avec des produits 100% naturels, ni pour s'intéresser au tarot ou à la lithothérapie. Qui plus est, aux Etats-Unis, la Wicca, issue de la mouvance du néopaganisme, est une véritable religion. Et faire du marketing sur des croyances profondes et intimes, cela semble aberrant.
En somme, s'informer sur la question est essentielle et il faut comprendre que derrière le mot de sorcière se cache surtout l'idée de spiritualité, une expérience très personnelle et riche.
De la difficulté de définir la sorcière
Avant d'atteindre la sphère beauté, la sorcière est revenue en force du côté du féminisme. Pour rappel, c'est brûlées vives (et bien souvent à tort) que finissaient les victimes des lois aléatoires et éminemment sexistes au Moyen-Âge. Des militantes d'aujourd'hui ont repris le flambeau pour lutter contre les persécutions, reprenant à leur compte l'imagerie des sorcières. Une descendance sous fond d'empowerment.
Aujourd'hui, celles qui se définissent comme sorcières le font pour diverses raisons et il est bien difficile de leur donner une véritable étiquette. Le livre de l'essayiste Mona Chollet, "Sorcières, la puissance invaincue des femmes" (sorti ce 12 septembre 2018), sera bien mieux à même d'aborder une vision plus sociologique à ce mouvement.
Cependant, on peut d'ores et déjà dire que les sorcières d'aujourd'hui sont celles qui sortent des conventions, celles qui ne veulent plus se conformer aux canons de beauté inatteignables, celles qui luttent. Et, surtout, ce n'est certainement pas une mode qui dure deux mois dans l'année.
Héloïse Famié-Galtier