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L'atelier Marty, 40 ans d'expérience au service du luxe

De mes études à ESMOD à mon parcours professionnel dans la mode, je n'ai jamais négligé l'importance de la production dans le processus d'élaboration d'une collection. Mes nombreux voyages en Italie, au Portugal ou dans les provinces françaises (afin de contrôler les modèles en usine), les séances d'essayage sur mannequin cabine, le travail avec les ateliers de prototypage, m'ont laissé un bon souvenir. Celui d'avoir travaillé avec des professionnels sans qui rien ne serait possible. Dans la confection, et ce quelque soit la gamme de produits, la création doit tôt ou tard s'unir au savoir-faire technique de certains ateliers afin de donner vie au vêtement. Dans le secteur du luxe, la référence est l'Atelier Marty, qui contribue à bâtir l'excellence de la couture française depuis quatre décennies.


Emmanuelle Marty parlez-nous de la création de l'atelier ?

L'Atelier Marty a été créé il y a plus de quarante ans par mon père, son premier client était Yves Saint Laurent , pour qui l'atelier fabriquait des robes chemisiers. Mon père proposait les matières à M. Saint Laurent et mettait au point les patronages. L'atelier a donc "grandit" avec la maison Saint Laurent jusqu'aux années 80, lorsqu'elle fut vendue; les relations de travail ont été rompues la saison suivante. Ce fut un véritable choc pour l'entreprise. Mais mon père connaissait M. Philippe Guy Bourget (créateur qui a précédé Karl Lagerfeld chez Chanel) chez Chanel , et nous avons commencé à travailler sur la ligne appelée "Accessoire"; ce fut immédiatement un beau succès. Nous avons pu ainsi rebondir et notre relation avec Chanel dure depuis 25 ans.
Avec Chanel, nous sommes plus que des façonniers, nous sommes des fabricants, car nous livrons un produit fini (nous achetons les matières, etc.). Nous avons ainsi une vision globale du produit.


Vous avez grandi au sein de l'atelier, c'est naturellement que vous avez pris la succession de votre père ?

Je suis directrice générale, je m'occupe des clients, je travaille avec les chefs d'atelier sur les plannings et l'organisation de la production, je m'occupe aussi des ressources humaines.
En réalité, je ne voulais pas du tout travailler dans ce métier. J'ai une formation marketing et j'ai travaillé dans d'autres industries. Mes parents m'ont proposé de rentrer dans l'entreprise, et ayant passé mon enfance au sein de l'atelier, connaissant toutes ses histoires, cela s'est fait assez naturellement. Mon père n'ayant pas trouvé d'acheteur "digne de ce nom" s'est "résigné" à me vendre l'entreprise en 2003.
En 2002, Chanel a racheté les maisons Lesage et Lemarié (mais également le bottier Massaro, le modiste Michel et le parurier Desrues) et supporte ainsi ces métiers indispensables au luxe.

 

L'atelier Marty aurait-il pu être vendu à une grande marque de luxe ?

En effet, mais nous ne sommes pas considérés comme un métier précieux et artisanal; nous sommes entre artisanat et industrie. Cependant, on commence à nous voir comme une "espèce protégée" et on nous a conseillé de déposer un dossier "patrimoine vivant". Mais cela reste une démarche toute récente sur notre métier.

 

Justement, parlons "métier" : pouvez-vous nous décrire en quelques mots le processus de fabrication d'un vêtement ?

Le créateur démarre par un croquis qu'il nous confie et nous commente. Le modélisme est chargé de passer cette représentation 2D en volume. Nous créons un premier prototype que nous présentons au client et celui-ci corrige notre approche. Nous réalisons ensuite un premier modèle dans la matière définitive, qui est normalement correct, mais peut encore subir quelques retouches. Par la suite, le client vend ce modèle à ses clients, se basant sur le prix que nous lui avons donné. Dernière étape, il revient vers nous avec ses commandes, à partir de là nous estimons les besoins en matière (tissu, doublure, etc.) et accessoires (zip, boutons, etc.) pour une fabrication en série.

 

Vous êtes très proches du créateur dans votre processus de travail, comment cela se passe-t-il avec lui ?

On se déplace dans la maison de couture, on est en rapport direct avec son équipe. Il y a 30 ou 40 ans, on rencontrait directement M. Scherrer , M. Laroche , M. Saint Laurent ou M. de Givenchy , aujourd'hui ce n'est plus le cas. La fonction création a été isolée du reste du métier, le créateur ne rencontre plus les fabricants. Dans les écoles, on enseigne plus le merchandising que la sensibilité par rapport au produit, qui est pourtant le coeur du métier. Cela crée forcément une rupture.
Au XXIe siècle la mode sera transversale ou ne sera pas.

 

Votre métier est très technique, quel impact ont les nouvelles technologies dans votre travail ?

Il y a eu un énorme bond technologique dans le domaine du patronage, tout est assisté par ordinateur : la gradation (correspond au passage de taille en taille) et le placement automatique (placement des pièces de vêtements sur le tissu). En montage, le progrès est moindre, en partie dû au fait que la fabrication des vêtements est en grande partie délocalisée. Avec une main-d'oeuvre bon marché, l'investissement machine se justifie moins.

 

Quel type de profils recrutez vous, trouve-t-on facilement des gens formés pour la fabrication ?

Essentiellement des profils de productique, modélisme et production (C.A.P, B.T et B.T.S). Nous formons également le personnel et nous restons proches des écoles. Nous sommes assez vigilants à ce sujet.

 

Trois ateliers sur quatre ont disparu ces dernières années, puis la crise est arrivée. Quelles sont vos stratégies pour le futur ?

Plutôt que des stratégies, disons des points forts. Chez Marty, nous avons la capacité de pouvoir fabriquer des vêtements très différents, de la blouse très raffinée à la robe du soir, mais aussi des vestes tailleurs, des coupe-vent et des pièces en jersey. Nous pouvons ainsi évoluer avec la mode, nous adapter. Notre second point fort est qu'avec un effectif important de 130 personnes, nous sommes à même de fabriquer aussi bien des grandes séries que des petites séries ou des modèles unitaires.

 

Comment ressentez-vous la concurrence ?

Il faut dire ce qui est, nous subissons une concurrence déloyale intra-européenne ! L'Italie bénéficie d'un label non significatif qu'il leur permet d'apposer le "Made in Italy" sur des produits fabriqués dans des pays à main-d'oeuvre bon marché.
Une autre concurrence se fait jour, c'est que le luxe délocalise de plus en plus sa production.

 

L'Atelier Marty connaît bien le luxe; comment le définiriez-vous ?

C'est avant tout un très beau produit. C'est la cohérence entre une belle qualité de fabrication, de conception et une belle matière.


Travaillez-vous avec des jeunes créateurs ?

Pas beaucoup, car il est plus difficile d'avoir des relations pérennes avec un jeune créateur qu'avec une maison de couture. Nous avons cependant travaillé avec Lucien Pellat-Finet - en complément de son prêt-à-porter - et nous travaillons actuellement avec Tiphaine Deguelle.

Vous devez posséder des archives passionnantes depuis 40 ans que l'atelier existe.

On possède peu de vêtements, mais en effet nous avons pas mal de croquis de Popi Moreni, Thierry Mugler , Séverine Perraudin... Un patrimoine qui sera peut-être montré au public un jour.

 

Vous faites de la fabrication sur-mesure, du "bespoke". Quelle clientèle est intéressée par ces produits ?

Nous en avons beaucoup fait avec M. Saint Laurent jusqu'en 1981. Quand la maison Saint Laurent a été revendue à Gucci en 1997, Mme Munoz (bras de droit de M. Saint Laurent) et l'ancienne équipe ont gentiment rappelé mon père en lui disant: "Nous pouvons travailler avec vous de nouveau". Malgré le rachat, la petite boutique Yves Saint Laurent de la rue du faubourg Saint-Honoré était resté ouverte et côtoyait la très design boutique Gucci, mais elle n'avait pas la possibilité d'avoir de stocks. Alors la boutique nous passait des commandes en sur-mesure ou demi-mesure, et en huit jours nous pouvions fabriquer et livrer le modèle.
Cela intéressait la clientèle haute-couture, les princesses, Mme Deneuve, etc. Cela a très bien marché, jusqu'aux adieux de M. Saint Laurent en 2002; alors l'activité a cessé.
Nous avons proposé ce service à d'autres maisons. Marie Martinez chez Christian Lacroix trouvait l'idée intéressante, car c'est une offre alternative à la haute couture : moins chère, réactive, sans frais fixes, sans risque, sans stock, et pouvant décliner les modèles de la haute-couture dans des tissus exclusifs. Mais avec les changements successifs de directeurs généraux, cette offre n'a jamais pu être validée.


Propos recueillis par Christian Poulot (Le Modalogue)


Atelier Marty SA : 40 rue des cordelières 75013 Paris

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