
Ce 19 février 2019, le monde de la mode était sonné par le décès de Karl Lagerfeld, à l'âge de 85 ans. S'il est indéniable que le directeur artistique de Chanel a su marquer la mode par ses créations, doit-on pour autant passer l'éponge sur certaines déclarations problématiques du créateur ? Pas sûr. Sur les réseaux sociaux, des voix se sont élevées pour pointer du doigt les idées néfastes que l'homme en noir a pu véhiculer.
Grand créateur, visionnaire, génie de la mode, très certainement. Mais quelle image publique avait Karl Lagerfeld ? Il suffit de survoler quelques interviews pour tomber sur des citations considérées comme "cultes" et comprendre que l'homme surfait sur une image de personnage médisant. Certains de ses propos virent carrément à la misogynie, au racisme et très clairement à la grossophobie. Des faits dénoncés par de nombreu.x.ses internautes sur les réseaux sociaux, mais aussi par des personnalités, notamment Jameela Jamil.
En effet, dans un tweet, l'actrice de "The Good Place" a donné son avis sur le créateur, avec le franc-parler qu'on lui connait. "Je suis contente que quelqu'un l'ait dit. Même si c'est un peu tôt. Un impitoyable grossophobe et misogyne ne devrait pas être affiché partout sur Internet comme un saint parti trop tôt. Talentueux, certes, mais pas la meilleure personne". Elle attache à ce tweet le lien d'un article très documenté écrit par la journaliste Lara Witt sur l'importance de ne pas regarder que le talent artistique de Karl Lagerfeld.
Une grossophobie assumée
Dans cet article, on trouve un condensé des citations les plus violentes du créateur. Car si sa passion pour la mode était sans limite (il allait jusqu'à se désigner comme "un nymphomane de la mode qui n'atteint jamais l'orgasme"), il semblait nourrir une aversion pour les femmes en dehors des canons de beauté.
On se souvient qu'il avait déclaré, à propos de la chanteuse Adele : "Elle est un peu trop grosse, mais elle a un beau visage et une voix divine". Une déclaration qui avait soulevé une polémique le forçant à s'excuser. Et ce n'est pas son seul dérapage grossophobe. Face à la lutte contre le culte de la minceur, notamment sur les podiums, il avait déclaré : "Personne ne veut voir de femmes 'plus size'. Il y a des femmes grosses avec leurs paquets de chips devant la télévision et qui disent que les mannequins minces sont laides. La mode, c'est le rêve et l'illusion".
Une idée que partage la marque Victoria's Secret. Ce qui paraît aberrant en pleine ère du body positivisme, alors qu'on pose le doigt sur la dangerosité d'une industrie de la mode qui, depuis trop longtemps, propage des idéaux de beauté inatteignables. Karl Lagerfeld était même allé jusqu'à nier le lien entre le culte de la minceur et la recrudescence de problèmes alimentaires chez les jeunes.
Il déclarait dans une interview donnée à Prestige Hong Kong : "En France, il y a un fort pourcentage de jeunes filles en surpoids et moins d'un pour cent de maigres. Parlons donc des 25 pour cent qui ont un problème de poids ou qui sont en surpoids. Nous n'avons pas besoin de discuter des moins de 1%. L'anorexie n'a rien à voir avec la mode (...). Les Chinoises sont maigres aussi, et osseuses. Je ne pense pas que ce soit un sujet de discussion. Et dans le monde d'aujourd'hui, beaucoup de gens prennent de la drogue, pas seulement des mannequins, hein ? C'est un sujet inutile. Parlons des grosses."
Loin d'un Jean-Paul Gaultier qui a maintes fois montré sa volonté de célébrer des corps de femmes différents et multiples, Karl Lagerfeld prônait une mode plus "conformiste". On ne peut s'empêcher de voir dans ses déclarations la vision que le créateur avait de lui-même. Souvenons-nous qu'il avait été, lui aussi, gros, et avait avoué avoir perdu 42 kilos en 2001.
S'il vénérait la minceur des mannequins, certaines femmes normées ont elles aussi eu le droit à des critiques de la part de Karl Lagerfeld. Il avait ainsi eu cette remarque extrêmement gratuite à propos de Pippa Middleton : "Je n'aime pas son visage. Elle ne devrait montrer que son dos". Quant au top Heidi Klum, elle était selon lui "pas un mannequin de podium. Elle a un buste trop gros. Et elle sourit toujours si bêtement. Ce n'est pas de l'avant-garde, c'est commercial !" Des propos qu'on ne lui a pas connu pour des mannequins hommes, en revanche.
Les féministes n'étaient pas épargnées non plus. Ainsi, Coco Chanel ne pouvait, selon lui, pas être féministe "car elle n'était pas assez laide". Quant au mouvement #MeToo et les agressions sexuelles au sein de l'industrie de la mode, il avait déclaré à leur sujet : "Si tu ne veux pas qu'on t'enlève ton pantalon, ne deviens pas mannequin ! Rejoignez un couvent, il y aura toujours une place pour vous au couvent. Ils recrutent à égalité !". Classe.
A la fois monstre sacré et bourreau
Ces remarques, parmi tant d'autres, survenues tout au long de sa carrière, ont été atténuées sous des termes aussi passe-partout que "langue de p*te", "franc-parler" ou considérées comme "controversées", au lieu d'employer les termes sexistes, misogynes ou grossophobes. Ce que ces remarques sont en réalité.
Doit-on tout excuser à un "génie" ? Peut-on séparer l'oeuvre de l'artiste ? Ces questions se posent encore et n'ont pas de réponse. Et nombreux sont les internautes à s'offusquer de ces critiques virulentes envers Karl Lagerfeld seulement quelques jours après son décès. Y aurait-il donc une sorte de "délais" pour dire la réalité telle qu'elle est ?
C'est certainement l'avis de Cara Delevingne, qui a pris la défense du créateur en répondant au tweet de Jameela Jamil. Et si les médias tentent encore de mettre deux femmes en rivalité, le débat lorsqu'on le lit se fait avec intelligence, amenant la mannequin à conclure : "Chacun a sa propre opinion et j'ai ressenti le besoin d'exprimer la mienne. Tout ce que je veux, c'est que tout le monde s'aime, quoi qu'il en soit. Comprenez simplement que c'est un moment d'extrême émotion et que nous devons essayer d'utiliser l'amour au lieu de la haine. Toutes ces choses auraient dû être dites lorsqu'il était en vie, et non pas le lendemain de sa mort". Chacun son avis, il est vrai, mais on ne peut imposer le deuil à tou.te.s et certainement à des personnes militantes qui combattent les idées propagées par le créateur.
Il faut aussi se demander pourquoi la société affectionne tant le "bitching", cet humour qui consiste à se moquer des autres à leurs dépends. Un procédé que l'on observe également dans les agissements de la "Ligue du lol" et plus globalement dans les comportements de bourreaux des cours de récré. Pourquoi glorifie et idéalise-t-on les bourreaux dans des films comme "Mean Girls" et dans des séries comme "Gossip Girl" ? Pourquoi trouvons-nous ça si plaisant ?
Ce qu'il faut comprendre, c'est que ce genre de comportements, de remarques destructrices - surtout à l'encontre des femmes - mis sur le compte d'un personnage "excentrique", participe à maintenir des hommes sexistes à des postes très hauts placés. De même, gommer les facettes plus abruptes d'une personnalité sous seul prétexte d'honorer sa mort ne rend justice à personne.
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