
La scène fascine autant chaque année. Rituel cathodique pour bien des Français - cinéphiles ou pas -, la montée des marches du Festival de Cannes est un événement qui rassemble. Parce qu'il est synonyme de paillettes, de glamour, de 7e art et continue à faire rêver. Cette année, Puretrend a eu l'occasion de fouler le fameux tapis rouge du Palais des Festivals. Alors, ça fait quoi ?
Ce serait mentir que de dire que je n'ai jamais rêvé de monter les marches de Cannes. Mais ce fantasme d'adolescente s'est transformé en mauvaise foi avec les années, me conduisant à prononcer des phrases insupportables comme : "Non mais Cannes, c'est surfait". Ou encore : "Il y a quelques années, ça devait être fou, mais maintenant, franchement, ça doit être boring".
Quand la marque Phyto m'a invitée à passer 24 heures sur la Croisette avec trois autres journalistes beauté, j'ai essayé de rester impassible. Je me suis retenue d'envoyer un texto à tout mon répertoire pour annoncer que le 18 mai au soir, je serais sur le fameux tapis écarlate et qu'on pourrait me voir À LA TÉLÉ, non loin de Bella Hadid et Penélope Cruz. Alors qu'un feu d'artifice venait de s'allumer dans mon cerveau. J'allais faire la montée des marches, hashtag life achievement.
"C'est un pyjama ta tenue pour Cannes ?"
Qui dit Cannes dit tenue de gala. Et moi qui pensais qu'une jolie robe habillée et des babies & Other Stories pouvaient faire l'affaire, je me fourvoyais totalement. Le dress code ? Robe longue et talons hauts. Je n'ai aucun des deux dans mon dressing. Mais une bienveillante collègue de la rubrique mode m'arrange un rendez-vous avec le bureau de presse Dresscode (un signe ?) pour des essayages. Je repars avec un tailleur Chloé Stora - prêté, bien sûr - à rayures dans l'esprit pyjama chic qu'on voit partout depuis deux saisons. J'en suis convaincue : ce costume sera parfait. J'ai en tête des images de Juliette Binoche en smoking androgyne, bien que mon seul point avec elle soit ma couleur de cheveux.
Une fois arrivée à la maison, le doute m'assaille : ai-je fait le bon choix ? Cette sensation me stresse d'autant plus que je ne peux plus reculer ; mon vol est le lendemain matin. La pire des idées m'apparaît alors comme une solution de génie. J'envoie une photo de la tenue sur moi, sans talons, ni maquillage, ni coiffure digne de ce nom à mon entourage. Quinze minutes plus tard, je suis au fond du seau (je sais, problèmes de riche). Je soupçonne la moitié de ne pas répondre par peur de me vexer, tandis que l'autre se montre plus que dubitative. Le texto qui m'achève : "Hahaha t'es bête. Genre tu vas mettre un pyjama pour Cannes".
Pimpée par le maître
Parce qu'on m'a très gentiment prêté la tenue et que ma collègue de la mode m'assure que c'est "stylé", je plie soigneusement ma tenue dans ma valise, en priant pour que les rayures bordeaux ne jurent pas trop sur le rouge des marches. Après un déjeuner cannois sur la terrasse by Albane du J.W Mariott (là où on fait la girouette en permanence tellement il y a de stars au mètre carré), c'est l'heure de se faire pimper par le maestro. Anthony Cristiano, directeur artistique de Phyto, va nous coiffer pour monter les marches.
Avec son assistante Kyline, ils observent mon visage, ma coupe, demandent à voir ma tenue. "On va te faire la même coiffure qu'on a faite à Sophia Bush il y a quelques semaines". Je lui demande de répéter juste pour le plaisir d'entendre à nouveau cette phrase. La coiffure en question est une ponytail chic avec une raie au milieu, les longueurs plaquées et les petits cheveux des pattes texturisés et laissés libres pour contraster. La maquilleuse complète ce beauty look avec un smoky eye intense. Déjà, je me sens un peu plus légitime à monter les marches.
Chaleur et flashs
L'heure du départ de l'hôtel pour le Palais des Festivals approche. Il est temps d'enfiler ma tenue de lumière. Une attachée de presse me prête un caraco, une autre de sublimes boucles d'oreilles (merci Tessa et Marie !). J'attache la bride de mes sandales à talons, prends une grande respiration, lève les yeux vers le miroir. Qui est cette personne ? Je n'ai jamais été aussi apprêtée. Le résultat est plus que satisfaisant. Qui parlait de pyjama ?
Dans le lobby de l'hôtel, un photographe et un caméraman nous attendent pour immortaliser le trajet jusqu'au Palais des Festivals. Dehors, le soleil brûle encore. L'effervescence est palpable sur la Croisette. Il faut veiller à ne pas trébucher, avoir l'air détendue alors qu'une caméra est braquée sur soi. Mais je peux l'avouer : c'est grisant.
Quelques mètres plus loin, je découvre un phénomène inconnu jusqu'alors. Des pappazzi demandent à ce qu'on leur sourie, font crépiter leur flashs, nous mitraillent de photos... Avant de nous tendre leur carte pour les vendre. Il y a donc une nouvelle règle à retenir : refuser d'être prise en photo par les papparazzi. Jouer les stars, ça s'apprend vite.
Il faut passer par un barnum de sécurité avant d'accéder au red carpet. Devant, il y a embouteillage. Une berline passe. Par la vitre baissée, je viens d'apercevoir Uma Thurman. Les minutes qui suivent passent à une vitesse phénoménale. Une fois sous la verrière, des personnes nous pressent à monter rapidement les marches. La voix du speaker emplit l'espace, la musique est forte. Il fait une chaleur monstre. Les papparazzi se bousculent, crient, incitent qui n'est pas connu à laisser la place aux stars. Je fais une rapide vidéo pour capturer le moment, et je suis déjà en haut des marches. Je photographie mentalement tous les détails, souris à ma bonne étoile, mesure la chance que j'ai de vivre un moment pareil. Dans le Palais des Festivals, il fait frais. Au programme, "Nelyubov", du réalisteur russe Andreï Zviaguintsev. À qui, il faut croire, on a porté chance : il est reparti de Cannes avec le Prix du Jury.
Mathilde Lévêque Bargain