
Les femmes sont soumises à bon nombre de pressions qui résultent souvent en des questions très indiscrètes. Exemple pour les artistes féminines qui, sur le tapis rouge, sont interrogées - de manière récurrente - soit sur leurs tenues soit sur leur désir de maternité. Comme si les femmes avaient des sujets de conversations limités et superficiels. Une habitude aberrante (mais vrai) encore en 2019 et à laquelle il est temps de mettre fin.
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C'est Margot Robbie qui s'est récemment exprimée sur le sujet. L'actrice de "Suicide Squad" s'est ainsi révoltée contre une question qui lui est régulièrement posée en interview quant à savoir quand elle se décidera à avoir des enfants. Une question non seulement très indiscrète mais qui, en plus, ne prend pas en compte la possibilité qu'une femme ne puisse pas vouloir d'enfants. Une idée carrément arriéré en 2019, non ?
L'obligation d'être mère
Dans une interview donnée à Radio Times magazine, alors qu'elle est en pleine promotion du film "Mary Stuart : Reine d'Ecosse", Margot Robbie a récemment déclaré : "Je suis mariée et la première question qu'on me pose dans presque toutes mes interviews c'est : 'Des bébés ? Quand allez-vous en avoir un ?'. Je suis tellement énervée qu'il y ait ce contrat social. Tu es mariée, maintenant il faut que tu aies un enfant. Ne faites pas de supposition. Je ferai ce que je veux quand je le veux". Car, en effet, comme pour les femmes anonymes, les stars féminines sont également soumises à l'idée qu'une fois mariées la prochaine étape est forcément la maternité.
On est d'autant plus interloqués que l'actrice australienne n'a que 28 ans. Si être une femme plus âgée ne justifie aucunement d'avoir à répondre à une telle question, cela prouve tout de même qu'à l'approche de la trentaine la pression (purement sociale, qu'on se le dise) à être mère s'intensifie. Sans oublier le fait que cela renvoie encore et toujours la femme à son corps, la résumant à sa "matrice".
Margot Robbie n'est, bien évidemment, pas la première à avoir eu droit à cette question et à se révolter contre cette pression à peine voilée qui pèse sur les épaules des femmes. Jennifer Aniston, entre autres, subit ce traitement depuis de nombreuses années. Son cas est d'ailleurs particulièrement représentatif et révoltant.
Non content d'étaler sa vie privée régulièrement en Une - principalement sa relation passée avec Brad Pitt (c'était en 2005 passez à autre chose) - les médias ont passé des mois à scruter le ventre de l'actrice après qu'elle ait épousé Justin Theroux afin de débusquer un baby bump visiblement très attendu. Âgée de 46 ans au moment de ce second mariage, il fallait bien que la société lui rappelle qu'elle serait bientôt dans l'impossibilité d'enfanter et donc en train de passer à côté de sa vie, pour résumer. Un crime de lèse-majesté encore aujourd'hui.
En 2016, Jennifer Aniston s'était exprimée sur cette "dictature" de la maternité dans une tribune publiée dans le Huffington Post écrivant : "Le seul volume de ressources que la presse alloue, en ce moment même, pour essayer de découvrir si je suis enceinte ou pas (...) illustre la perpétuation de cette idée que les femmes sont d'une certaine façon inachevées, ratées ou malheureuses si elles ne sont pas mariées et avec des enfants".
L'épée de Damoclès qui plane au-dessus des femmes n'a, bien sûr, qu'un seul nom : horloge biologique. Ce terme que rabat tout bon magazine féminin est définitivement l'ennemi à abattre.
En France, c'est la journaliste et autrice, Myriam Levain, qui en parlait très bien dans son livre "Et toi tu t'y mets quand ?". Dans ce récit autobiographique elle abordait ainsi l'injonction à la maternité qui pesait sur elle alors qu'elle fêtait ses 35 ans la menant à prendre la décision de congeler ses ovocytes. Un procédé courant Outre-Atlantique mais très peu plébiscité en France, qui permet aux femmes, d'une certaine manière, de reprendre le pouvoir sur leur corps.
Ne serait-il pas temps de réfléchir au fait que le concept "d'instinct maternel" pourrait bien être une construction sociale ? Et ne serait-il pas temps de remettre en cause la manière dont on envisage la maternité ? C'est ce que tente de démêler, entre autres sujets, Mona Chollet dans son essai "Sorcières, la puissance invaincue des femmes". Quand on sait le poids de la charge mentale subit par les femmes - encore plus lorsqu'elles deviennent mères - mais aussi le frein que cela représente pour leur carrière, en plus de l'égoïsme d'une telle démarche à l'heure des catastrophes écologiques actuelles, il y a de quoi s'interroger et remettre en causes ses idéaux.
Quand bien même le schéma classique et attendu serait suivi par certaines femmes, le "mom shaming" dont sont victimes les mamans stars, en particulier, ne fait pas vraiment rêver. Sans oublier les souffrances de la grossesse et de l'accouchement qui restent un tabou absolu (que certaines stars brisent peu à peu, faisant front avec toutes les mamans) le fait de procréer devant coller absolument avec le concept intouchable de "miracle de la vie". En voilà une idée bien passéiste et patriarcale.
Donner la parole à celles qui regrettent d'être devenues mères
L'injonction à la maternité qui a pesé de différentes manières à travers les époques mène à l'un des plus grands tabous : les mères qui ont eu des enfants mais qui avouent le regretter. Une parole remise en avant par la journaliste et essayiste Mona Chollet - toujours dans "Sorcières, la puissance invaincue des femmes" - et longtemps étouffée.
On peut cependant exhumer les déclarations de Jeanne Moreau qui confiait à L'Express en 2011 : "Je ne suis pas faite pour avoir des enfants. Mais j'aime beaucoup ceux des autres. Je suis davantage grand-mère que mère". L'actrice qui a eu un garçon, Jerôme, en 1949 et avouait sans détours : "Il a été malheureux. Je pense qu'il est réconcilié avec nous, son père et moi. Et surtout avec lui-même, depuis quelques années seulement". Ajoutant : "J'ai accouché en deux heures. A peine rentrée dans ma chambre, j'ai téléphoné à mon metteur en scène. Je l'ai réveillé: 'Ça y est mon enfant est né, je suis en pleine forme. Je pense pouvoir recommencer à travailler dans huit-dix jours'".
Même discours pour la comédienne Anémone qui déclarait dans une interview, en 2014 : "Je me suis fait un enfant dans le dos". Elle confiait alors combien la maternité l'avait privé de sa liberté : "Faut compter vingt ans. Après le bébé tout rond, il y a l'enfant qui devient osseux et qu'il faut inscrire et emmener à des petits cours de tout et n'importe quoi. C'est usant, la vie file et ce n'est plus la vôtre". Concluant : "Quand je les ai en face de moi, je ne peux pas les regarder en me disant que je les regrette, cela n'a pas de sens, mais je regrette d'avoir été mère. Si c'était à refaire, je ne le referai pas". Des confidences qui n'avaient pas choqués ses enfants trentenaires comme elle l'avait expliqué : "Non, ils m'aiment bien. Je leur ai apporté la gentillesse et l'amour. J'ai fait mon devoir, la mort dans l'âme et sans rien leur faire payer".
Il faut bien comprendre que c'est le rôle de mère qui, dans ses confidences, est pointé du doigt, toutes les responsabilités qui pèsent principalement sur les femmes et non pas l'amour porté aux enfants.
De toutes les manières, avoir des enfants, ne pas en avoir, le décider ou non, devrait être du registre de l'intime. Voir des femmes se justifier sans cesse à ce sujet ne fait que prouver le poids d'un patriarcat encore et toujours tenace.