
"En mai fais ce qu'il te plaît" est le quatrième film du réalisateur Christian Carion ("Une hirondelle a fait le printemps", "Joyeux Noël"). Ce long métrage se base en grande partie sur le témoignage de sa mère qui a vécu l'exode de mai 1940.
"En mai fais ce qu'il te plaît" est un film sur l'exode qui a poussé huit millions de Français à fuir l'avance des armées allemandes en mai 1940. Période méconnue de l'histoire de France, il fallait du courage pour se lancer dans un tel projet qui relève de la gageure. En effet, ce moment reflète parfaitement l'effondrement rapide d'un pays et ce phénomène reste une épreuve pénible, à tel point que ce événement est quasi absent de la mémoire collective. Un tel sujet a aussi freiné les producteurs qui jugeaient le projet trop négatif. Mais Christian Carion, le réalisateur, avait une idée bien précise en tête : il voulait en faire un long métrage montrant l'énergie d'un peuple refusant de sombrer. Et puis, une période aussi instable possède en elle tous les ingrédients nécessaires à un bon film : une histoire forte qui se transforme en aventure humaine, des personnages, du drame, de la violence. Les guerres synthétisent tous les sentiments humains, des plus vils aux plus beaux. Parce qu'on le voit bien dans "En mai fais ce qu'il te plaît", l'amour est toujours présent, l'humour aussi et la solidarité et la fraternité ne sont pas de vains mots, quelle que soit la situation.
"En mai, fais ce qu'il te plaît", l'Histoire forte
Chacun, à son niveau, représente une partie de ce maelstrom de sentiments. Le maire joué par Olivier Gourmet représente l'autorité et la confiance aveugle en cette République qui ne peut pas laisser tomber ses enfants tandis que l'institutrice, personnage central là aussi, dépasse de loin le cadre de ces fonctions. On y trouve aussi la "forte tête", l'opposant systématique, le soldat britannique égaré et héroïque, le réfugié allemand recherché par les deux bords qui lui-même recherche son fils parti avec les villageois. Pourtant, dans ce chaos filmé sans fioritures mais avec sentiment et humanité, on n'est parfois pas loin du bonheur, comme le soir du premier jour sur les routes où musique et vin font un peu oublier la situation et offre un moment de joie à ce village déboussolé.
Ce qui ressort aussi de ce film, sans que cela ne soit central, c'est l'impréparation d'un pays à une catastrophe annoncée. Des millions de civils sont pris dans la tourmente militaire mais sont laissés pour compte. La guerre ne les concerne quasiment pas, ils en sont les victimes collatérales comme on dirait aujourd'hui. Le plus édifiant, c'est que le film est basé sur des témoignages : la confiance du peuple, sa déception et la chute de la France en quelques jours n'en ont que plus de force.
Nous, spectateurs, avons le recul pour comprendre, mais pour ces villageois lancés sur les routes, c'est tout simplement trop énorme pour être vrai. Comme le dit l'un d'eux : "la guerre ne peut être perdue en 10 jours !". C'est un cri du coeur qui exprime le désarroi de gens désemparés que personne n'attend et pour qui rien n'est prévu. En quelques jours, un peuple confiant est soumis, battu, humilié, meurtri, même si en parallèle, il y a aussi de belles histoires qui ressortent du chaos.
"En mai fais ce qu'il te plaît" est un film fort et poignant, parfois bouleversant, qui livre une vérité crue sur un pan de l'histoire française trop souvent passée sous silence. Hasard du calendrier, il raisonne douloureusement avec l'actualité...
Grégory Curot