
Dans une interview donnée à Porter Edit, le magazine de Net-a-porter, Ellen Page est revenue sur le traitement que les médias ont fait de sa sexualité. L'actrice, actuellement au casting de la série Netflix "Umbrella Academy", explique comment cette "traque" et les spéculations de la presse people ont eu un impact fort sur sa santé mentale.
C'est en 2014 qu'Ellen Page a fait son coming-out, lors d'une conférence "Time to Thrive" organisée par la Human Rights Campaign Foundation qui soutient les personnes LGBTQ. Elle avait alors 26 ans et déjà joué, entre autres, dans les films "Juno" (2007) et Inception (2010), qui l'ont propulsée sur le devant de la scène, au cinéma comme dans la presse. Et avant cette première prise de parole sur sa sexualité, l'actrice de "Umbrella Academy" a vu un certain nombre de spéculations circuler concernant sa vie privée.
Elle raconte ainsi à Net-a-porter : "Je me souviens d'un tabloïd que j'ai vu à chaque caisse, dans chaque station-service, avec une photo de moi en couverture et la question : 'Ellen Page est-elle gay ?' C'était très difficile pour ma santé mentale". Il faut dire qu'en coulisses, l'actrice est forcée de cacher sa sexualité et victime de multiples stéréotypes. "Les gens de l'industrie m'ont clairement dit, quand j'ai commencé à me faire connaître : 'Les gens ne doivent pas savoir que tu es gay'. Et j'ai été forcée à toujours porter des robes et des talons pour les événements et les séances photo... Comme si les lesbiennes ne portaient pas de robes et de talons", raconte-t-elle.
Quant à évoquer son coming-out, elle raconte : "J'avais 20 ans, je venais de tomber amoureuse pour la première fois d'une femme et j'étais encore en train de naviguer dans mes propres doutes, pendant que les gens écrivaient des articles intitulés : 'La sexualité d'Ellen Page est une loterie'". Mais pour l'actrice, être une personne publique ouvertement LGBT est plus important que le reste. "Mais je me sentais, et je me sens, responsable. Je veux être capable d'aider de toutes les façons possibles, et je veux parler des queer".
Avec du recul, l'actrice estime qu'aujourd'hui les choses vont mieux, ou du moins que le regard porté sur le coming-out est en train de changer. "Je me souviens d'avoir été au début de la vingtaine et d'avoir vraiment cru qu'il m'était impossible de sortir du placard. Mais, avec le temps, avec plus de représentation, les moeurs et les esprits ont changé. Cela n'arrive pas assez vite et cela n'arrive pas assez souvent, en particulier pour les personnes les plus marginalisées de la communauté. Mais les choses se sont améliorées", estime-t-elle.
Quand le scoop efface l'humain
Force est de constater que sous couvert de buzz, la presse people étale, parfois sans fondements, la vie des stars. En devenant des personnages publics, ces dernières semblent perdre de leur humanité et n'être plus qu'un sujet de divertissement. Un fait que l'on remarque particulièrement lorsqu'il s'agit de stars LGBT ou qui n'ont pas fait leur coming-out.
Dans son essai "Bad Feminist", Roxane Gay aborde cette médiatisation néfaste dont sont victimes les "people". "On ne laisse que peu de frontières aux personnes très médiatisées. En échange de la dégradation de leur vie privée, elles obtiennent la célébrité et/ou la fortune et/ou le pouvoir", analyse-t-elle, "(...) Nous avons tendance à oublier que les célébrités sont aussi sacrées pour leurs proches que nos proches le sont pour nous. Nous avons tendance à oublier qu'elles sont faites de chair et de sang. Nous partons du principe qu'en devenant célèbres, elles renoncent à leurs droits inaliénables. Et cela sans réfléchir".
Le traitement médiatique dont a été victime Ellen Page n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui de Kristen Stewart. L'actrice de "Twilight", elle aussi très jeune lors de son coming-out, a vu sa vie privée étalée partout. De sa relation avec Robert Pattinson à sa liaison avec le réalisateur Rupert Sanders jusqu'à sa première relation homosexuelle, l'actrice a elle aussi été traquée par les médias. Faisant les beaux jours de la presse people.
Le buzz fait vendre et, par conséquent, certain.e.s semblent prêts à tout pour y parvenir. Et si saluer un coming-out - fait qui prouve encore que l'homosexualité est, quelque part, marginalisée et est quelque chose d'exceptionnel - est peut-être une bonne chose, parier sur la sexualité d'un.e individu.e donne plus la sensation d'en faire une chose et de la déshumaniser.