
Dire que le milieu de la musique (comme celui du cinéma ou du mannequinat, entre autre) demeure sclérosé par le racisme est une triste réalité. Sur le plateau de "Clique", dimanche 3 février, la chanteuse Aya Nakamura a raconté comment elle s'est vu recommander de se blanchir la peau afin de "toucher un public plus large". Et si c'est sourire aux lèvres qu'elle dévoile cette "suggestion", on est en droit de s'énerver.
Phénomène musical de 2018, Aya Nakamura est devenue en l'espace de quelques mois la nouvelle star de la chanson française. Et qu'on soit fan ou pas de "Djadja", le succès de cette jeune femme de vingt-trois à qui on ne la raconte pas - "non, y'a pas moyen" - est sans équivoque.
Plutôt rare sur les plateaux télé, elle était ce dimanche l'invitée de Mouloud Achour et de "Clique", sur Canal+. L'animateur en a profité pour la fait réagir à des propos qu'elle a tenus concernant le début de sa carrière : "Vous dites : 'On me demandait de me blanchir la peau ou de mettre du fond de teint plus clair pour toucher un public plus large'. C'est vrai ?". Confirmation de l'intéressée, qui explique que la suggestion lui avait été faite par le "D.A. [Directeur Artistique, ndlr] d'une maison de disques" dont elle préfère taire le nom.
Clairement, au vu du succès de la chanteuse, on peut dire que le gars a eu du pif. Reste que la remarque est révélatrice du racisme latent, dans ce milieu artistique comme ailleurs. Car ce n'est pas la première fois qu'on suggère à une personnalité d'être "plus blanche pour réussir". Et que la dépigmentation artificielle de la peau, qui est évoquée ici, est un phénomène très inquiétant.
Beyoncé, Nicki Minaj et les autres
Parmi les célébrités a avoir fait les frais de rumeurs sur le sujet, Beyoncé. Accusée d'avoir eu recours au blanchiment de la peau au cours de sa carrière, la chanteuse a fait coulé beaucoup d'encre dans la presse people, chacun y allant de son "expert" pour certifier que oui, l'interprète de "Crazy in love" a bien éclairci son teint.
Son père n'a pas vraiment aidé à calmer le jeu, en affirmant lors de la promo de son livre "Racism : From the Eye of a Child", l'an passé, que sa réussite tenait pour beaucoup à sa peau relativement claire. "En ce qui concerne les femmes noires, quelles sont celles qui passent à la radio ? Mariah Carey, Rihanna, la rappeuse Nicki Minaj ou mes enfants". Sous-entendu "pas celles à la peau noire la plus foncée".
Il y a aussi ces cas où des personnalités, stars comme mannequins, se sont vues retouchées en cover de magazine pour afficher une peau plus claire qu'elle ne l'est en réalité.
Et puis il y a le sujet de la dépigmentation artificielle de la peau, un marché qui pèse des milliards dans le monde et qui touche particulièrement l'Afrique mais aussi l'Asie (sans compter qu'en France aussi, il fleurit sur le Net et en boutiques spécialisées).
Un phénomène découlant de la colonisation, d'idéaux de beauté imposés, de l'influence de la publicité, qui infuse aujourd'hui encore les sociétés. "Même si on se ment à nous-mêmes, c'est dans les moeurs. Chez nous, dans la communauté africaine ou subsaharienne, la femme claire est plus agréable à regarder et plus jolie. C'est ce que je pensais avant en tout cas", explique à Europe 1 Aminata, une jeune femme qui pendant des années a dépensé des centaines d'euros par mois pour se blanchir la peau au moyen de crèmes et autres savons.
Des produits pour la plupart dangereux, contenant des ingrédients comme de l'hydroquinone, cancérigène, ou du glutathion, qui provoquent infections bactériennes, mycoses, acné sévère, voire dans les plus graves cas insuffisances rénales et cancers. En France, des associations se sont emparé du sujet, à l'image d'Esprit d'Ébène, qui a lancé une campagne de sensibilisation ayant pour slogan "Votre peau est précieuse, ne la détruisez pas".
Une prévention nécessaire pour faire bouger les mentalités et éviter à des femmes (mais pas que) pathologies de peau et dépréciation d'elles-mêmes.