"A Perfect Day" est un film qui regarde l'humanitaire, sans emphase, sans pathos, avec lucidité et humour et qui en montre les dessous, pas toujours très reluisants. Chaque personnage représente une approche différente de l'humanitaire, une bonne façon d'aborder le sujet dans sa globalité.
"A Perfect Day" de Fernando Leon de Aranoa est un film qui démystifie totalement l'engagement humanitaire. Très rapidement dans ce long métrage, on comprend qu'être humanitaire, ce n'est pas que sauver des vies et que c'est bien compliqué que cela. L'avantage d'"A Perfect Day", c'est que chaque personnage représente, à sa façon, une des "branches" de l'engagement humanitaire.
Mambrù (Benicio Del Toro) est en fin de mission. Fatigué, usé par de nombreux mois passés dans cette partie des Balkans en guerre, il n'aspire qu'à rentrer chez lui et s'arrange au mieux des désagréments de la vie d'humanitaire : la pression politique, les compromis avec les militaires, les ordres et contre-ordres aussi idiots les uns que les autres en attendant son départ. Pour autant, il fait bien son job, mais n'a plus aucune illusion, ni sur son travail, ni sur la nature humaine.
"B" (Tim Robbins), c'est l'accro, celui qui a le "trip humanitaire". Il aime les ambiances tendues, résoudre des problèmes avec un couteau et deux bouts de ficelle. Finalement, c'est un aventurier qui a essaimé le monde sans jamais avoir d'attaches ou de famille pour le retenir. Légèrement fêlé, il n'hésite pas à risquer sa vie en vieux routard qu'il est mais surtout, il est véritablement accro à l'adrénaline que lui procurent certaines situations.
Sophie (Mélanie Thierry) effectue sa première mission. C'est encore une idéaliste qui va perdre une bonne partie de ses illusions en moins de 24h. Naïve, néophyte, elle défie l'armée et bouscule les lois tacites qui régissent les liens entre les autorités et les humanitaires. Pourtant, elle va vite comprendre que dans une telle situation, rien n'est trop noir, rien n'est trop blanc, que l'ensemble de la situation serait plutôt particulièrement grise et nébuleuse. Et que même ceux auprès desquels elle veut voler au secours ne sont pas exempts de tout reproche. Pour elle, c'est une partie de son monde qui va s'écrouler durant ces 24h.
Katya (Olga Kurylenko) est la plus cérébrale du groupe. Pour elle, l'humanitaire n'est ni une grande oeuvre, ni un trip mais simplement un job comme un autre. Envoyée pour évaluer le coût de la mission et savoir s'il est nécessaire de la garder sur place, elle est cynique, plongée dans les chiffres et dans le règlement au détriment de l'humain. Qu'importe si les gens souffrent toujours. Si la mission doit cesser, elle cessera. Ces 24h lui permettront néanmoins de retrouver une part d'humanité.
Ensemble, ils forment un groupe hétéroclite qui regroupe pourtant tous les "types" possibles (ou presque) d'engagement humanitaire. Et si le sujet ne prête pas forcément à rire, il y a la guerre, des gens souffrent, l'ineptie de certaines situations qui peut rendre fou, "A Perfect Day" dédramatise tout par le biais de l'humour. Attention, le réalisateur a pris le parti de rien occulter : ni la dangerosité de la situation, ni l'absurde, ni la violence, les menaces, la bassesse humaine dans une région où les règles et les lois sont plus que fluctuantes en fonction de son interlocuteur. La conclusion du film, c'est que l'humanitaire, c'est bien différent de ce à quoi l'on s'attend : on ne sauve pas vraiment le monde, on part au plus pressé avec les moyens du bord pour essayer de venir en aide à des populations opprimées dans des régions en proie au chaos. Il n'y a rien de romantique dans tout cela. Ceci dit, si "A Perfect Day" remet les choses en place et démystifie le statut d'humanitaire, il ne le dégrade jamais et porte au contraire un regard bienveillant sur ces travailleurs de l'ombre qui essaie juste de faire ce qu'ils peuvent dans des conditions toujours difficiles.
Grégory Curot