
Elle s'avance avec un grand sourire, nous tend sa main fragile et s'écrit fièrement "enchantée !". Zoe Kazan est la révélation de l'année, avec son premier scénario "Elle s'appelle Ruby". Mieux, la jolie blonde tient le rôle principal au côté de son petit ami dans la vie réelle : Paul Dano. Enjouée, elle ne manque pas de répéter ô combien elle aime l'accent français, à quel point notre prénom est magnifique (merci) et son amour pour notre robe verte Sandro. Elle a de quoi être fière mademoiselle Kazan. Petite-fille d'Elia, fille de Nicholas et Robin Swicord (réalisatrice de "Mémoire d'une Geisha"), elle n'a pas froid aux yeux. Elle s'est donc trouvé une passion : l'écriture. Un amour que l'on ressent bien tout au long du film, qui nous raconte à quel point la frontière entre l'imagination et la réalité peut être mince.
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Le synopsis : Calvin (Paul Dano) est un romancier à succès, qui rencontre des difficultés lorsqu'il doit écrire un nouveau livre. Encouragé par son psychiatre à écrire sur la fille de ses rêves, Calvin voit son univers bouleversé par l'apparition littérale de Ruby dans sa vie, amoureuse de lui et exactement comme il l'a écrite et imaginée.
Vous l'aurez donc compris, Zoe est Ruby. Zoe s'appelle Ruby, fait prendre vie à Ruby et hante ainsi le quotidien du jeune Calvin, écrivain tourmenté. Un rôle presque sur mesure pour la jolie blonde qui, mieux que Ruby, est 100% réelle.
Rencontre avec Zoe Kazan.
Comment vous est venu l'idée très originale du scénario de "Elle s'appelle Ruby" ?
Je dois avouer que je me suis beaucoup inspirée du mythe de Pygmalion et Galathée. Cette histoire du sculpteur qui tombe amoureux de sa statut d'ivoire me fascine. Je me suis également intéressée aux personnages de fictions de ces dernières années, les femmes particulièrement. Aujourd'hui dans beaucoup de films, on ne se concentre pas suffisamment sur un personnage, une personnalité. On voit tout en surface. Par exemple, on sait qu'un personnage aime lire ou aime la musique. Mais on ne sait pas quel est son écrivain favori ou son style de musique. J'ai aussi voulu montrer les dessous d'une relation amoureuse. Comment les gens réagissent, se font parfois mutuellement souffrir, le sentiment d'affection trop immense, trop imposante... L'amour, juste.
Est-ce que dès le départ en écrivant le scénario tu te disais que tu allais jouer Ruby et que Paul serait Calvin ?
Pas au tout. Quand j'ai commencé a écrire le script, j'étais vraiment trop excitée par le projet, l'idée naissante. Tellement que je n'ai pas pensé à qui pourrait jouer les rôles. Et puis un jour j'ai donné à Paul les premières pages, juste pour avoir son avis. Et il a eu la meilleure réaction du monde puisqu'il m'a demandé "Est-ce que tu écris ça pour nous ?". Il m'a vraiment surpris en me demandant ça, mais en y réfléchissant tout prenait sens.
"Elle s'appelle Ruby" est ta vision du conte de fée moderne ?
Oui quelque part ça l'est complètement. Je pense que comme dans les contes de Grimm, on doit retrouver un peu de noirceur dans les histoires. "Ruby" n'est pas un conte de fées avec une Princesse, c'est un conte de fée version "Il y a quelque chose de noir, enfoui quelque part dans les bois". Rien n'est parfait.
Comment s'est passé la collaboration avec Jonathan Dayton et Valérie Faris, les réalisateurs du film ?
C'était vraiment une super collaboration, c'était génial. Ce sont des gens passionnants et passionnés, c'est incroyable de pouvoir travailler avec eux. Que ce soit en tant qu'actrice mais surtout en tant qu'écrivain du script. Ils ont un oeil très fin, très pertinent. Au même titre qu'un romancier à son éditeur, un scénariste doit avoir un réalisateur. Malheureusement ce n'est pas toujours comme ça que ça se passe... Mais avec Jonathan et Valerie, si. Ils m'ont aidé a mieux comprendre le projet "Elle s'appelle Ruby", a développer les personnages... J'ai eu de la chance de pouvoir bosser avec eux.
C'est pas trop bizarre de jouer un couple au cinéma avec son véritable petit-ami ?
Si, c'était vraiment très bizarre ! (Rires). Avant le tournage on en a vraiment beaucoup parlé, pour savoir si on était sûr de pouvoir le faire, assumer les rôles. Les premiers jours de tournages étaient très étranges, devoir se forcer à voir sous un autre jour son partenaire... C'est comme si on devait développer une toute nouvelle histoire ! Et puis le fait de demander et de dire des choses qu'on aurait jamais fait dans la vie réelle était aussi bizarre. Mais très rapidement, c'est devenu plus naturel. Paul m'a poussé a être plus courageuse, plus honnête, ce qui m'a aidé à me concentrer sur le travail et non sur notre véritable histoire.
Tu viens d'une famille issue du milieu du cinéma, la petite fille d'Elia Kazan et fille de grands réalisateurs. Étais-tu anxieuse quand tu as scénarisé "Elle s'appelle Ruby" ?
Je n'étais pas vraiment anxieuse, même si je pense que j'aurais dû l'être ! Pour moi écrire c'est ce qui me donne envie de me lever le matin, c'est ce qui m'inspire. Je le fais juste parce que j'aime le faire. Du coup je me suis concentrée dessus. C'est mieux comme ça, au moins je ne me suis pas mis une pression type "je dois être excellente" ou "je viens d'une famille de réalisateurs, je dois décevoir personne".
Dans le film on t'entend beaucoup parler français... Tu as dû prendre des cours exprès ?
Oui, j'ai pris beaucoup de cours, j'avais un professeur génial. Il m'a appris a être plus à l'aise avec cette langue que j'aime vraiment beaucoup...
Tu as pris suffisamment de leçons pour avoir des mots français favoris ?
Aaaah oui ! J'adore le mot "saucisson", il a un son très drôle. J'aime aussi énormément le mot "désolé", que je trouve magnifique. Bien plus que notre "sorry" anglais. Et il y a le mot "Pamplemousse" que je répète souvent. Je suis une grande amoureuse de Paris, c'est ma ville préférée... Du coup à chaque fois que je viens ici je m'approprie quelque mots pour élargir timidement mon vocabulaire.
Tu peux me décrire Paul en un seul mot ?
Attentionné.
Tes trois films favoris ?
"Le Mépris" de Jean-Luc Godard, "Les enchaînés" d'Alfred Hitchcock et "Mon nom est Tsotsi" de Chweneyagae.
La musique que tu écoutes en boucle sur ton Ipod ?
J'adore Kate McGarrigle, j'aime sa musique que j'écoute en boucle. C'était la mère de Rufus Wainwright, on voit bien chez eux que la musique est de famille.
Tu te prépares comment avant une apparition sur tapis rouge ?
Généralement je prends des conseils. On me montre des tenues différentes, toutes les options possibles et je choisis ce que je préfère. Souvent les stylistes m'aident à faire le bon choix car je suis vite perdue. M'habiller est une chose très importante. Mais ce n'est pas une questions de marques, c'est plutôt par rapport à comment les vêtements me font me sentir bien. Ils représentent souvent mon état actuel d'ailleurs. Parfois je veux juste m'habiller comme un garçon, porter des choses larges, confortables, ne pas me prendre la tête, passer inaperçue. Et parfois je me sens féminine, je veux mettre des robes, des talons... C'est vraiment en fonction de mon humeur !
Est-ce que tu te vois comme la nouvelle génération d'actrices indie ?
Je serais très flattée si c'était le cas mais je ne pense pas vraiment. Mais ce n'est pas la raison pour laquelle je veux être actrice ou scénariste... Ou encore réalisatrice. Je suis très dure envers moi-même, je veux toujours faire mieux, travailler de plus en plus... Je devrais peut-être faire une pause et souffler un peu mais j'adore me concentrer sur mon boulot, sur les retombées... Je ne m'arrête plus.
Tu comptes écrire un nouveau scénario bientôt ?
Oui, je travaille déjà dessus. Mais cette fois-ci je ne veux pas jouer dedans, juste me contenter d'écrire l'histoire.
Tes futurs projets ?
Je tourne un film en ce moment avec Daniel Radcliff, "The F word" qui est une comédie romantique. Et j'ai trois nouveaux films indépendants qui arrivent, dont un réalisé par Josh Radnor. J'espere aussi pouvoir faire une petite pause afin d'écrire tranquillement... Parce que je ne me suis pas arrêtée une minute cette année !
Toujours aussi souriante, Zoe se prête au jeu des photos, nous supplie de lui dire ce que Paul a répondu quand il fallait la décrire en un seul mot et enchaîne les blagues timidement en français. Il est 17h et malgré une journée entière d'interview elle parvient à nous séduire. Voilà la caractéristique parfaite que tout artiste devrait avoir.
"Elle s'appelle Ruby", au cinéma le 3 octobre.
Propos recueillis par Aurélia Baranes